Aucun lien avec la Chine

Une démolition contrôlée d'un minaret en Turquie en 2023

Publié le 9.2.2024, 21:03 (CET), mis à jour le 9.2.2024, 21:09 (CET)

La répression du gouvernement chinois vis-à-vis des musulmans du pays est souvent dénoncée par les ONG. Une situation qui est aussi commentée en ligne, mais pas toujours à l'aide des bonnes images.

Le gouvernement chinois aurait démoli une nouvelle mosquée, à en croire de nombreux posts qui circulent sur les réseaux sociaux, en différentes langues, depuis le 6 février 2024. Ceux-ci sont accompagnés d'une courte vidéo, visionnée des dizaines de milliers de fois sur X. On y voit une pelleteuse à côté du minaret d'une mosquée, qui finit par s'effondrer. D'après les internautes, cet acte de destruction aurait été perpétré par le Parti communiste chinois au pouvoir dans le cadre de sa répression contre les Ouïghours, une minorité musulmane du pays. Le gouvernement chinois a en effet été accusé de cibler des mosquées par le passé. Mais est-ce bien ce que montre la vidéo ?

Evaluation

Non, la mosquée en question se trouve en Turquie. La vidéo existe en ligne depuis février 2023. D'après des médias turcs, les autorités ont dû procéder à la démolition du minaret car celui-ci a été endommagé par les séismes qui ont secoué le pays à l'époque.

Faits

Une recherche d'image inversée sur Google permet de constater que la vidéo n'est pas récente, et qu'elle n'a pas été tournée en Chine. On retrouve des versions plus longues contenant le même extrait sur des comptes turcs, notamment sur Instagram et X (ici et ici), en date du 26 février 2023. Dans ces versions, on voit les débris du minaret toucher un ouvrier, aperçu plus tard en train de boîter.

D'après les légendes, les images montrent la démolition contrôlée d'un minaret à Adana, dans le sud de la Turquie. Quelques semaines plus tôt, le 6 février, une série de violents tremblements de terre a ravagé la région.

Une démolition par sécurité

Les minarets de nombreuses mosquées de la ville ont été endommagés par ces séismes, contraignant les autorités à démolir certains d'entre eux pour des raisons de sécurité. C'est ce qu'il s'est passé pour le minaret que l'on voit dans la vidéo, selon différents articles parus dans les médias turcs à l'époque. Selon ceux-ci, un ouvrier a été blessé dans l'opération.

D'autres éléments présents dans les versions plus longues de la vidéo confirment que la scène s'est déroulée en Turquie, et non en Chine. A partir de 8 secondes ici, on aperçoit une personne portant un uniforme noir avec l'inscription « Polis » (« police » en turc) en lettres blanches. Cet uniforme correspond à ceux portés par les forces de l'ordre en Turquie.

De plus, les différentes inscriptions visibles dans la vidéo (par exemple sur la pelleteuse ou sur la devanture d'un magasin à 4 secondes) ne sont pas écrites en caractères chinois.

La vidéo n'est donc pas liée à la Chine, et ne montre pas un acte de répression du gouvernement chinois vis-à-vis des Ouïghours.

La situation des Ouïghours en Chine

Les Ouïghours sont un peuple turcophone qui vivent pour la plupart dans la région autonome du Xinjiang, dans le nord-est de la Chine. Une grande majorité d'entre eux sont musulmans.

Au cours de ces dernières années, le comportement des autorités chinoises vis-à-vis des Ouïghours a été pointé du doigt à de nombreuses reprises par la communauté internationale, ainsi que par des organisations humanitaires diverses.

La Chine est accusée d'opérer une répression sévère à l'encontre de cette communauté, voire de « crimes contre l'humanité » et parfois même de « génocide ». Un rapport des Nations unies (ONU) paru en 2022 faisait ainsi état de « graves violations » des droits humains. Il évoquait entre autres des allégations de « torture », de « violences sexuelles » ou encore de « travail forcé » susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité.

Plusieurs organisations de défense des droits humains, dont Amnesty International, ont également dénoncé les conditions de détention des Ouïghours dans des camps, présentés comme des centres de rééducation par Pékin. Des accusations de mauvais traitements et de persécutions niées par le gouvernement chinois, qui affirme lutter contre le terrorisme.

Destruction de mosquées

Les autorités chinoises ont également été accusées, notamment par l'organisation Human Rights Watch (HRW), de violer le droit à la liberté de culte en ayant fermé, démoli ou converti des mosquées du pays.

En 2020, un rapport effectué par un institut de recherche australien estimait que la Chine avait détruit ou endommagé quelque 16 000 mosquées dans la région du Xinjiang.

Ce n'est toutefois pas dans ce contexte que s'inscrit la vidéo du minaret en Turquie.

(Situation au 09.02.2024)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Publication Twitter (version archivée)

Publications Twitter en anglais I et II (versions archivées I et II)

Vidéo archivée

Recherche d'image inversée (version archivée)

Adana sur Google Maps (version archivée)

Publication Instagram - 26.02.2023 (version archivée, vidéo archivée)

Publications X I et II - 26.02.2023 (versions archivées I et II, vidéos archivées I et II)

A propos des séismes de février 2023 en Turquie et en Syrie (version archivée)

Articles de médias turcs I, II et III (versions archivées I, II et III)

Uniformes de la police turque (version archivée)

A propos des Ouïghours - BBC et Les Echos (version archivées I et II)

HRW et Amnesty International sur le traitement des Ouïghours (versions archivées I et II)

Rapport de l'ONU en 2022 (version archivée)

Destruction de mosquées - HWR (version archivée)

Rapport australien (version archivée)

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