Pseudo-science

La fonte de la banquise arctique avérée sur le long terme

Publié le 23.1.2024, 20:25 (CET)

Pour semer le doute sur le réchauffement, les climatosceptiques recourent bien souvent à des chiffres tronqués ou mal interprétés. La fonte de la banquise arctique en fait régulièrement les frais.

Le 8 janvier 2024, la banquise arctique aurait atteint son niveau le plus élevé en 21 ans, signe aux yeux de certains internautes qu'elle se porterait plutôt bien. « Tout comme le Groenland, l’Arctique continue de défier les prophéties dogmatiques des alarmistes du climat », déduisent-ils dans des publications virales.

Ces messages, que l'on retrouve en plusieurs langues, circulent sur X - où ils ont été vus près de 2 millions de fois -, sur Facebook ainsi que sur des blogs climatosceptiques. Or leurs arguments sont trompeurs.

Évaluation

En climatologie, les tendances s'étudient sur plusieurs décennies (au moins 30 ans). Comparer des jours/mois particuliers d'une année à l'autre n'a aucun sens, car l'analyse est alors biaisée par la variabilité naturelle du climat. Sur le long terme, les observations montrent un net recul de la banquise arctique en été.

Faits

La plupart des publications concernées renvoient vers un article publié sur le blog anglophone No Trick Zone. Celui-ci est connu pour diffuser de la pseudo-science, à savoir des affirmations chiffrées ou d'allure scientifique, dont l'interprétation est cependant trompeuse.  

Selon l'article en question, la glace de mer arctique aurait atteint son niveau le plus élevé en 21 ans à la date du 8 janvier 2024. Pour le prouver, l'auteur s'appuie sur un graphique du National Snow and Ice Data Center (NSIDC), un institut américain de référence dans l'étude des territoires recouverts de glace.

Sur le graphique, on observe une vingtaine de courbes représentant l'évolution de la glace de mer entre 2004 et 2024. Au 8 janvier dernier, la courbe de 2024 montre que la banquise s'étendait - à ce moment-là - sur 13,675 millions de km2. Sa superficie était effectivement légèrement supérieure à la moyenne des années 2011-2020 (13,112 millions de km2) et des années 2001-2010 (13,539 millions de km2) le même jour.

Mais contrairement à ce que sous-entendent les publications, cet élément seul ne permet pas d'affirmer que la banquise gagne du terrain.

Des comparaisons sur au moins 30 ans

Non seulement, la courbe de 2024 amorce une descente les jours suivants, mais elle se situe également bien en deçà de la médiane de la dernière période de référence 1981-2010, comme on peut le voir ici.

Comparer l'étendue de la banquise d'un seul jour, d'un seul mois ou d'une seule année par rapport aux autres n'a aucun sens d'un point de vue climatologique.

« Il est important de comprendre que la glace de mer, en tant qu'indicateur du changement climatique, fluctue d'une année à l'autre », avait déjà expliqué Stephen Bell, rédacteur scientifique pour le réseau international Climate Feedback, dans un précédent fact-check de la Deutsche Presse-Agenur (dpa).

François Massonnet, climatologue et professeur à l'Université catholique de Louvain (Belgique), abondait dans le même sens : « Pour établir l'existence de tendances robustes, on travaille sur des périodes d'au moins 30 ans. »

Sur cette échelle de temps, les observations montrent clairement un recul de la banquise arctique en été.

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), entre 1979 et 2018, la glace de mer arctique a perdu environ 12,8% de sa surface par décade au mois de septembre (lorsque la banquise atteint son minimum annuel) en raison du réchauffement de l'air de surface.

On peut également le constater à partir des données satellite de la NASA. Celles-ci montrent qu'en septembre, l'étendue de la glace de mer décline en moyenne de 12,2% par décennie depuis le début des observations en 1979.

Un déclin tout sauf linéaire

Le recul de la banquise arctique ne se fait toutefois pas de façon homogène. Les scientifiques s'attendent à ce que la glace de mer connaisse un déclin progressif, entrecoupé de périodes de relative stabilité.

« Dans les simulations climatiques fournies par les modèles, il n'est pas rare de trouver des périodes de 7 ou même 14 ans durant lesquelles la glace de mer voit sa superficie augmenter, malgré l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre », selon François Massonnet.

Ceci est également suggéré dans cette étude, publiée dans la revue scientifique Nature Climate Change. Selon ses auteurs, la variabilité naturelle du climat peut masquer ou accentuer la perte de glace de mer induite par le réchauffement climatique d'origine humaine sur des échelles de temps allant de quelques années à quelques décennies.

Le Groenland logé à la même enseigne

A rebours de ce qu'affirment les publications partagées sur les réseaux sociaux, la masse glacière du Groenland fond elle aussi sous l'effet du réchauffement climatique. La dpa l'a déjà prouvé dans ce fact-check.

Pour jeter le trouble, les climatosceptiques s'appuient régulièrement sur des chiffres tronqués ou des données scientifiques sorties de leur contexte. Parmi les contre-vérités qui circulent sur la Toile, la fonte des banquises, le niveau d'enneigement ou le taux de CO2 dans l'atmosphère sont des sujets récurrents.

(Situation au 23.01.2023)

Liens

Publications Facebook I, II, III, IV (versions archivées I, II, III, IV)

Publication X I, II (versions archivées I, II)

Publication sur The Daily Sceptic (version archivée)

Article sur No Trick Zone (version archivée)

Evaluation de No Trick Zone par Media Bias/Fact-check (version archivée)

A propos du NSIDC (version archivée)

Graphique du NSIDC I (version archivée - avec courbes de 2004 à 2024)

Graphique du NSIDC II (version archivée - avec médiane de 1981-2010)

A propos de Stephen Bell (version archivée)

A propos de Climate Feedback (version archivée)

A propos de François Massonnet (version archivée)

Rapport spécial du GIEC sur l'océans et la cryosphère (version archivée)

A propos des données de la NASA (version archivée)

A propos des périodes de stabilité - UCLouvain (version archivée)

A propos de l'étude publiée dans Nature Climate Change (version archivée)

Fact-checks de la dpa I, II, III, IV

À propos des fact-checks de la dpa

Ce fact-check a été rédigé dans le cadre du programme indépendant de vérification de Facebook/Meta. Plus d’informations au sujet de ce programme peuvent être trouvées ici. Pour en savoir plus sur la façon dont Facebook/Meta gère les comptes qui diffusent des informations erronées, cliquez ici.

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