Citations erronées

Des propos de personnalités du secteur économique déformés

Publié le 19.01.2023, 16:48 (CET)

Sur les réseaux sociaux, il n'est pas rare de voir des citations de personnalités publiques, jugées parfois inspirantes, parfois choquantes. Mais leur véracité n'est pas toujours établie.

Christine Lagarde, Jacques Attali et Klaus Schwab sont régulièrement la cible de désinformation en ligne. Une publication Facebook récente présente un photomontage de ces trois personnages publics en leur attribuant des citations. Ont-ils vraiment formulé ces propos ? Si oui, dans quel contexte ?

Évaluation

Certaines de ces citations sont fausses et d'autres sont sorties de leur contexte d'origine.

Faits

Christine Lagarde et les personnes âgées

Christine Lagarde, actuelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), aurait prononcé ces mots : « Les personnes âgées vivent trop longtemps et il y a un risque pour l’économie mondiale, il faut faire quelque chose, rapidement ! »

Ce n'est pas la première fois que cette phrase est attribuée, à tort, à l'ex-directrice du Forum économique mondial (FMI). Cette citation la suit depuis au moins 2012 et a déjà fait l'objet de nombreuses vérifications, y compris de la part de la dpa en 2020. Le service de presse de la BCE avait expliqué à l'époque à la dpa que Christine Lagarde ne s'est jamais exprimée en ces termes.

En tant que directrice du FMI de 2011 à 2019, Christine Lagarde a abordé à plusieurs reprises les conséquences que le vieillissement de la population pouvait avoir sur l'économie mondiale, comme dans un discours prononcé en 2016 au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais la déclaration attribuée à la femme d'affaires française sur Facebook est fausse.

Jacques Attali : retraite, euthanasie et Covid-19

« Je rêve d'une société où il n'y aurait pas de retraite » serait une citation de l'écrivain, économiste et chef d'entreprise français Jacques Attali. Cette phrase a été utilisée par le journal Le Monde pour titrer un entretien avec l'écrivain en avril 2015. Quelques jours après sa publication, Jacques Attali a contesté ce titre.

La phrase n'a pas été prononcée mot pour mot par l'ex-conseiller de François Mitterrand. Le journal a choisi cette citation sur base d'un passage où Jacques Attali plaide pour une société de l'épanouissement au travail et de la réduction des tâches pénibles : « Je rêve d’une société où chacun, grâce à la robotisation, et à l’organisation politique et sociale, pourrait exercer l’activité qu’il souhaite, sans limite de temps. Dans une telle société, la revendication principale serait de retarder l’âge de la retraite, et pas de le réduire. Il n’y aurait pas de retraite, où travailler serait naturel… »

Le Monde a finalement modifié le titre de l'interview par : « Je rêve d’une société où chacun pourrait exercer l’activité qu’il souhaite sans limite de temps », plus fidèle à l'idée défendue par l'écrivain. 

Une deuxième citation est assignée à Jacques Attali : « L'euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures. » Cette allégation a déjà été vérifiée par la dpa, l'AFP et Libération. Elle est extraite d'un entretien que Jacques Attali a accordé au médecin et journaliste français Michel Salomon, publié dans son ouvrage « L'avenir de la vie », sorti en 1981.

Durant l'entrevue, Michel Salomon interroge l'énarque français sur l'éthique de l'euthanasie dans la société future, ce à quoi ce dernier répond : « L'euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c'est la liberté et la liberté fondamentale, c'est le suicide ; en conséquence le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société. Dans une société capitaliste, des machines à tuer, des prothèses qui permettront d'éliminer la vie lorsqu'elle sera trop insupportable, ou économiquement trop coûteuse, verront le jour et seront de pratique courante. Je pense donc que l'euthanasie, qu'elle soit une valeur de liberté ou une marchandise, sera un des règles de la société future. »

La phrase en question a donc été prononcée par Jacques Attali à l'occasion de cette entrevue, mais elle a été sortie de son contexte. Il ne fait pas l'apologie de l'euthanasie ; il exprime son point de vue sur le rôle futur que la pratique de l'euthanasie pourrait jouer dans la société. 

Pour finir, au mois de février 2020, il aurait déclaré au journal Le Point : « Le coronavirus est une formidable opportunité de rétablir un certain équilibre dans la pyramide des âges des pays européens. » Il n'existe aucune trace de cette phrase sur le site du Point et l'écrivain a publiquement démenti l'attribution de ces propos dans un tweet et auprès de l'AFP.

Klaus Schwab : propriété et pandémie

Le fondateur du Forum économique mondial (WEF), Klaus Schwab, se voit aussi attribuer certaines citations fausses ou hors contexte.

La phrase « vous ne posséderez plus rien dans dix ans et vous en serez heureux » n'a pas été prononcée par l'économiste allemand et a quelque peu été déformée de sa version originale. Elle est issue d'une vidéo en anglais du WEF publiée en 2016 qui s'intitule « 8 prédictions sur le monde de 2030 ». Cette citation a été écrite par Ida Auken, femme politique danoise dans un texte où elle parle de sa vision du monde en 2030. Il ne s'agit donc pas d'une déclaration officielle du WEF, ni de son fondateur, mais bien d'une supposition sur l'avenir faite par Ida Auken.

Cet énoncé a déjà fait l'objet d'un fact-check en anglais par l'agence de presse Reuters, expliquant que l'idée d'Ida Auken était de présenter « un scénario montrant vers lequel nous pourrions nous diriger - pour le meilleur et pour le pire » et non pas une « utopie ou un rêve sur le futur ». 

« L'endiguement de la pandémie de coronavirus nécessitera un réseau de surveillance mondial » est une autre citation attribuée à l'économiste allemand. Cette phrase est issue de son ouvrage « Covid-19 : la grande réinitialisation ».

Elle se trouve dans un long paragraphe à la page 29 qui évoque la manière dont la crise sanitaire pourrait être contenue : « Pour donner un exemple général et trop simplifié, l'endiguement de la pandémie de coronavirus nécessitera un réseau de surveillance mondial capable d'identifier les nouveaux foyers dès leur apparition, des laboratoires en de multiples endroits du monde pouvant rapidement analyser les nouvelles souches virales et mettre au point des traitements efficaces, de grandes infrastructures informatiques pour que les communautés puissent se préparer et réagir efficacement, des mécanismes politiques appropriés et coordonnés pour mettre en œuvre efficacement les décisions une fois prises, etc. »

Klaus Schwab a bien écrit ces mots, mais il faut les replacer dans leur contexte original. L'économiste n'appelle pas à la surveillance de la population mondiale, mais plutôt à la vigilance accrue des nouveaux clusters de contamination afin d'étouffer la pandémie. 

(Situation au 19.01.2023)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Présidence BCE (version archivée)

Biographie Christine Lagarde (version archivée)

Fact-checks citation Christine Lagarde AFP, Libération, 20 Minutes (versions archivées AFP, Libération, 20 Minutes)

Fact-check dpa citation Christine Lagarde

Discours Christine Lagarde MIT 2016 (version archivée)

Entretien Jacques Attali dans Le Monde (version archivée)

Fact-checks citation Jacques Attali euthanasie dpa, AFP, Libération (versions archivées dpa, AFP, Libération)

Site Le Point (version archivée

Tweet Jacques Attali citation coronavirus (version archivée)

Fact-check AFP Jacques Attali citation coronavirus (version archivée)

Vidéo Facebook WEF 2016 (version archivée)

Texte Ida Auken archivé

Fact-check Reuters (version archivée)

Livre Klaus Schwab en ligne (version archivée)

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