Un article mal interprété sur la transmission du variant Delta chez des personnes vaccineés

10.9.2021, 16:55 (CEST)

Les personnes vaccinées auraient une charge virale 251 fois supérieure aux non-vaccinés et seraient donc « contaminés et contaminants », selon un internaute sur Facebook, qui cite une étude de la revue scientifique The Lancet (archivé ici).

Évaluation

C’est faux. L’article que mentionne l’utilisateur Facebook compare la charge virale de personnes vaccinées et infectées par le variant Delta par rapport à d’autres variants. Aucune comparaison n’est faite entre la charge virale des personnes vaccinées et de celles non vaccinées.

Faits

« L’étude » évoquée par l’utilisateur est en réalité une prépublication, c’est-à-dire la version d’un article scientifique avant que celui-ci ne soit évalué par des pairs et par le comité de rédaction de la revue dans laquelle les auteurs souhaitent être publiés.

Un aperçu du texte en question, destiné à la revue scientifique britannique The Lancet, est disponible en ligne depuis le 10 août 2021. Dans le document complet, la mention « prépublication non évaluée par les pairs » est clairement visible. Les auteurs, parmi lesquels figurent des médecins et des chercheurs, sont affiliés à l’Hôpital des maladies tropicales ainsi qu’à l'unité de recherche clinique de l'université d'Oxford, situés à Hô Chi Minh-Ville, au Vietnam.

L’article examine la transmission du variant Delta du SARS-CoV-2, le virus qui cause la maladie Covid-19, au sein de membres vaccinés du personnel soignant d’un hôpital vietnamien. Aucune comparaison n’est donc faite entre des personnes vaccinées et non vaccinées. Le but est plutôt de comparer les charges virales de personnes vaccinées et infectées par le variant Delta par rapport à d’autres variants du SARS-CoV-2. La charge virale correspond à la quantité de virus présente chez un patient.

Les auteurs écrivent que, entre le 11 et le 25 juin 2021, un total de 69 soignants – tous entièrement vaccinés avec le vaccin AstraZeneca/Oxford – parmi les 900 soignants de l’hôpital ont été testés positifs au SARS-CoV-2. Parmi ces soignants, 62 ont participé à l’étude. La majorité des cas ont présenté des symptômes de la maladie, mais tous s’en sont remis sans complication majeure. Le variant Delta a été identifié chez 23 d’entre eux.

Les auteurs arrivent à la conclusion suivante : « Les charges virales des cas d'infection au variant Delta (ndlr : chez des personnes vaccinées) étaient 251 fois plus élevées que celles des cas infectés par d'anciennes souches détectées entre mars et avril 2020. » En aucun cas l’article n’établit que les soignants entièrement vaccinés présentent une charge virale supérieure à ceux non vaccinés.

Les auteurs ajoutent par ailleurs n’avoir trouvé « aucune corrélation entre les niveaux d'anticorps neutralisants induits par le vaccin et les charges virales ou le développement de symptômes ». Selon eux, la transmission du variant Delta parmi des personnes vaccinées s’explique notamment parce que ces infections sont associées à des « charges virales élevées » et à de « faibles niveaux d'anticorps neutralisants induits par le vaccin ». C’est pourquoi ils estiment que les gestes barrière, comme les mesures de distanciation sociale, restent « essentiels » pour réduire la transmission du variant Delta.

Face aux fausses interprétations autour de leur article, certains des auteurs ont même publié une clarification sur le site de l'unité de recherche clinique de l'université d'Oxford. Les données de la publication « n'avaient rien à voir avec le statut vaccinal de la personne infectée », mais démontraient « la capacité du variant Delta à provoquer des charges virales plus élevées », ont-ils souligné.

Les auteurs insistent : « Il existe des preuves écrasantes de l'efficacité des vaccins dans la prévention des formes graves et des décès dus au Covid-19. Notre étude n'apporte aucune preuve du contraire. Nous soutenons fermement la vaccination en tant qu'outil essentiel contre le Covid-19 et les terribles conséquences de la pandémie. »

À l’heure actuelle, le variant Delta est considéré par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme la souche du virus la plus préoccupante au niveau mondial, en raison de sa « transmissibilité accrue ». Certaines études suggèrent que la protection des vaccins contre le Covid-19 serait moindre face à ce variant, mais cela n’est pas encore établi avec certitude. En outre, les données actuellement disponibles montrent que les personnes vaccinées et infectées ont une charge virale plus faible, et vont être contagieux moins longtemps, que celles non vaccinées.

Dans tous les cas, la vaccination reste un rempart efficace pour éviter les formes graves de la maladie et les décès. La probabilité d’une infection au Covid-19 est aussi « nettement plus faible » chez les personnes vaccinées que les non vaccinées, réduisant ainsi le risque de transmission du virus, indique l'Office fédéral de la santé publique en Suisse.

(État des lieux au 10/09/2021)

Liens

Publication Facebook (archivé)

Définition d’une prépublication (archivé)

Aperçu de la prépublication destinée à The Lancet (archivé)

Prépublication complète

Au sujet de l'unité de recherche clinique de l'université d'Oxford (archivé)

Au sujet de la charge virale (archivé)

Fact-check Reuters (archivé)

Clarification des auteurs (archivé)

L’OMS sur le variant Delta (archivé)

24 Heures sur le variant Delta et la vaccination (archivé)

Blick sur le variant Delta et la vaccination (archivé)

Le Monde sur les infections post-vaccinales (archivé)

Les autorités suisses sur la vaccination (archivé)

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