Les propos ne s'appuient pas sur des faits scientifiquement avérés

10.8.2020, 16:40 (CEST)

Dans Zoom, une émission de 48 minutes sur TVLibertés (TVL), la généticienne française Alexandra Henrion-Caude évoque la possible manipulation génétique à l’origine du SARS-COV-2, souligne l’efficacité de traitements (hydroxychloroquine, azithromycine et zinc), et déplore des essais cliniques sur des cobayes en Afrique du Sud, laissant sous-entendre qu’ils ne sont pas volontaires. La vidéo est largement plébiscitée sur les réseaux sociaux.

ÉVALUATION : Le discours comporte de nombreux éléments trompeurs. La généticienne française relève, sur une chaîne créée par d'anciens membres du Front National français, différents arguments qui ne s'appuient sur aucun fait scientifique avéré. Elle soulève beaucoup d’hypothèses. Non, le virus n’est pas une manipulation humaine ; le trio zinc, hydroxychloroquine et azitromycine n’a pas fait ses preuves contre le SARS-CoV-2 ; les essais cliniques du vaccin ont lieu en Afrique du Sud parce que c’est l’un des pays les plus touchés et cela se fait sur base volontaire ; les masques n’affaiblissent pas le système immunitaire …

FAITS :
Concernant le fond du discours, les propos de la généticienne sont rarement appuyés par des faits scientifiques vérifiés. Alexandra Henrion-Caude en appelle régulièrement « au bon sens », mais ses arguments ne sont pas étayés par la littérature scientifique.

La généticienne française suggère que le virus SARS-CoV-2 serait issu d’une manipulation génétique. « Véritablement quand on regarde la séquence, ce qu’il y a de plus probable, c’est un engineering, une manipulation que l’homme aurait fait pour créer une fonction. », dit-elle. Il n’en est rien. Dans la revue médicale suisse, les experts sont unanimes : « il n’existe aucune indication malgré les nombreuses séquences à disposition, pour affirmer qu’il s’agit d’un virus modifié délibérément. » Différentes études scientifiques, à travers le monde (études universitaires suisso-américains et américano-australo-britanniques), l’ont également confirmé : le SARS-CoV-2 est bien d’origine naturelle et n’est pas le produit d’une manipulation délibérée.

Dans un rapport de l’OMS sur l’origine du virus, on peut lire qu’à ce stade, « toutes les preuves disponibles suggèrent que le SARS-CoV-2 est d'origine animale naturelle et n'est pas un virus manipulé ou construit. Le virus du SARS-CoV-2 a très probablement son réservoir écologique chez les chauves-souris. » Dans un autre registre, les services de renseignement américains (DNI) ont également mené l’enquête. Ils ont indiqué, dans un communiqué : « Les services de renseignements rejoignent le large consensus de la communauté scientifique pour convenir que le virus du Covid-19 n’a pas été créé par l’Homme ou modifié génétiquement. »

Le Dr Alessandro Diana, infectiologue et chargé d’enseignement au Centre de vaccinologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), tient à préciser à la dpa : « Bien que la science a besoin d’hypothèses et d’observations, celles-ci ne sont pas des conclusions. On a besoin d’études plus puissantes, randomisées, pour valider ou non ces hypothèses. »

Il déplore le fait que c’est ce qui manque dans le discours de la spécialiste. « Elle construit un scénario de plausibilité, basé sur des hypothèses, elle évoque des laboratoires sophistiqués qui font de la manipulation génétique. C’est vrai : ça existe. Mais ça n’est pas parce que ce type de laboratoire existe que le SARS-CoV-2 a été manipulé par l’homme. Oui, il y a des laboratoires sécurisés. C’est vrai que rien ne doit sortir de ces laboratoires P4, mais elle souligne qu’un SDF est entré dans un établissement à Lyon… Elle construit un scénario de plausibilité pour corroborer ses hypothèses. Mais encore une fois, hypothèses et plausibilité ne sont pas des conclusions ! Elle a d’ailleurs oublié de préciser que le job premier d’un virus est de s’adapter. Il a une faculté intrinsèque d’adaptation. On a désormais la preuve irréfutable, avec l’analyse des souches initiales, que le virus a changé quand il est sorti de Wuhan. C’est une mutation naturelle. Et cette adaptabilité-là, en tout cas est formelle : ce n’est pas le résultat d’une manipulation en laboratoire. »

Alexandra Henrion-Caude poursuit en affirmant que les masques affaiblissent le système immunitaire à cause des bactéries de notre propre flore qui ne seraient pas rejetées dans l’air. Cela ne tient pas la route d’après des virologues et experts médicaux interrogé par la dpa. Le Dr Bruno Grandbastien au Service de Médecine Préventive Hospitalière (Unité Hygiène, Prévention et Contrôle de l’Infection), souligne : « Les bactéries que nous exhalons sont le reflet de notre propre flore. Il n’y a pas d’infection possible. » Steven Van Gucht, virologue et porte-parole interfédéral belge, indiquait dans une autre vérification des faits que « vous ne vous infecterez pas en portant un masque buccal et en respirant vos propres bactéries. Elles se trouvent déjà dans votre corps. »

Toujours à propos des masques, elle spécifie que « sur la boîte des masques, on peut lire qu’ils ne protègent pas du COVID ». Elle soutient que les mailles laissent passer le virus et qu’en porter n’est pas opportun. Ce n’est pas faux : ils ne protègent pas des virus. Mais il y a une nuance, apportée par les instances de santé belges : les masques-barrière, destinés au grand public, sont conçus pour éviter la propagation du virus. Et donc, d’éviter que les sécrétions naturelles ne contaminent les autres.

Dans la vidéo, elle indique qu’il existe « un cocktail » composé « d’azithromycine, de zinc et de plaquénil (hydroxychloroquine, NdLR) qui ont eu, selon elle, « un effet notable » sur des patients quand cela leur a été administré « au début de l’infection ». L’équipe de vérification des faits de la dpa des Pays-Bas avait déjà vérifié cette affirmation et était parvenu à la conclusion que « rien ne prouve qu'un traitement à l'hydroxychloroquine, à l'azithromycine ou au sulfate de zinc puisse vous guérir du COVID-19. L'OMS déconseille fortement l'utilisation de ces agents. » Diverses études, à différents stades de la maladie, ont révélé les limites de ces traitements.

Alexandra Henrion-Caude relève également un concept scientifique à plusieurs reprises : l’interférence virale. Le Dr Alessandro Diana (HUG), précise le processus d’interférence virale. « Je pense qu’elle fait un melting-pot de vérités et d’hypothèses pour corroborer son discours. Quand on fait un vaccin, on induit des anticorps. Ils sont de deux sortes : les neutralisants et les non-neutralisants. Ces derniers amplifient l’inflammation. » Il souligne qu’actuellement les vaccins sont à l’étude : « C’est aussi pour ça qu’on étudie les effets des vaccins. Un cadre régulatoire existe. La phase 1 permet notamment de voir les effets secondaires. La phase 2, de voir quels types d’anticorps sont induits. Et, de la sorte, exclure les vaccins responsables de trop de réactions. La phase 3 prouvera ou non son efficacité.»

Pour la généticienne française, « on ne vaccine pas quelqu’un qui a été exposé au virus, c’est une mise en danger ! » Est-ce que vacciner quelqu’un d’asymptomatique est dangereux? Concernant le vaccin contre le coronavirus (26 essais cliniques en cours, au 31 juillet 2020), rien n’est encore démontré à ce stade, indique le Dr Frédérique Jacobs, infectiologue à la tête de la clinique des maladies infectieuses de l’hôpital Érasme (Bruxelles, Belgique)à la dpa. « Il y a potentiellement un risque qui n’est pas encore évalué et qui devra être évalué, qui est qu’effectivement on sait qu’il y a, après la phase virale, une forme inflammatoire. Il faudra voir, lors de la mise au point de ces vaccins, si la vaccination ne va pas faire en sorte que votre réponse immunitaire est plus importante et pourrait augmenter cette phase inflammatoire. Tout ça est encore théorique et n’est pas encore prouvé. C’est un des éléments à prendre en compte lors du développement du vaccin. »

Ensuite, Alexandra Henrion-Caude dénonce avec « horreur, horreur » des essais cliniques concernant la vaccination en Afrique du Sud. Elle affirme que le choix a été fait « arbitrairement ». Or, l’essai de l’Université d’Oxford se fait sur des personnes volontaires, dont 50 séropositifs, et dans des lieux tenus secrets, par crainte d’incidents, comme on peut le lire dans le journal Le Temps. Le pays est, par ailleurs, l’un des plus touchés d’Afrique, avec 538.184 cas confirmés, et l'étude est expliquée par le Professeur Shabir Madhi, de l’Université de Wits.

Alexandra Henrion-Caude fait mention aussi d'autopsies interdites en Italie. Il n'en est rien. Cela avait été démenti pas le site de vérification des faits italiens "Fact.\". Il s'agit d' « informations trompeuses et liées à une mauvaise interprétation » d'un document du ministère italien de la Santé , lit-on. Une directive émanant du ministère italien précisait que pendant toute la phase 1 (d’urgence, NdlR) les médecins ne devraient pas procéder à une autopsie sur les décès liés à Covid-19 si la cause du décès était déjà connue. Le conditionnel est important dans la phrase, notent encore les journalistes italiens qui soulignent que ce n'était pas une interdiction.

L'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale, en France), contacté par la dpa, fait savoir que l'Institut se désolidarise de son ancienne employée. « La généticienne Alexandra Henrion-Caude a quitté l’Inserm en février 2018 pour des raisons de convenance personnelle et n’est actuellement plus rattachée à l’Institut. L’Inserm ne cautionne pas les propos tenus dans la vidéo publiée par la chaîne TVLibertés », indique le service presse.

L’Institut, par la voix d’une de ses attachés de presse, ajoute : « Depuis ses débuts, la pandémie de Covid-19 fait fréquemment l’objet de désinformation et de rumeurs infondées. L’Inserm souhaite réaffirmer son engagement en faveur d’un discours scientifique solide et transparent, basé sur les faits, et poursuit ses efforts de recherche de manière rigoureuse, afin de continuer à bâtir les connaissances sur ce nouveau coronavirus. »

Enfin, notons que l’entretien s’est déroulé dans les studios de TVL, l’acronyme de TVLibertés. TVLibertés est une chaîne de webtélé d’extrême-droite qui se revendique « autonome et indépendante des partis, des oligarques et de l’État » et qui veut « donner la parole, sans exclusive, à tous ceux qui défendent l’esprit français et la civilisation européenne. TVLibertés est à la pointe de la ré-information. » Cette web télévision a été créée par d’anciens membres du Front National français.

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Liens :

Publication Facebook : https://www.facebook.com/gaston.asper/posts/10217028518440759(archivée : http://dpaq.de/S1dHO)

Vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=QZoOFvRPYFQ&fbclid=IwAR2bqzE6NtDYqxAKrJ0dleiXolRySPskeAbRdLT_6hkYeUogL8mikR9qTjA (archivée : http://dpaq.de/x7U6k)

À propos de l’INSERM : https://www.inserm.fr/

Étude américano-australo-britannique sur le SARS COv2: https://www.nature.com/articles/s41591-020-0820-9 (archivée : http://dpaq.de/XLjmG)

Étude suisso-américaine sur le SARS COv2 : https://nextstrain.org/narratives/ncov/sit-rep/2020-01-25?n=2 (archivée : http://dpaq.de/5iGdb)

Document OMS (en anglais) sur l’origine du virus en mars 2020: https://www.who.int/publications/i/item/origin-of-sars-cov-2 (archivé : http://dpaq.de/pdU8b)

Etude de l'Université du Minnesota sur l'hydroxychloroquine : https://www.acpjournals.org/doi/10.7326/M20-4207 (archivé : http://dpaq.de/r5wQn)

Article revue médicale suisse (FR) : https://www.revmed.ch/RMS/2020/RMS-N-691-2/Origine-de-SARS-CoV-2-le-probable-et-le-possible (archivé : http://dpaq.de/Skxie)

Vérification des faits dpa sur l’hydroxycloroquine, l’azithromycine et le zinc : https://dpa-factchecking.com/netherlands/200803-99-26450/

Vérification des faits dpa Inhaler vos « propres bactéries » ne provoque pas de pleurésie : https://dpa-factchecking.com/belgium/200714-99-789473/

A propos du Dr Bruno Grandbastien : https://www.hpci.ch/users/grandbastien-bruno (archivé : http://dpaq.de/8gakZ)

À propos de Steven van Gucht : https://www.sciensano.be/fr/people/steven-van-gucht (archibé : http://dpaq.de/7wO7U)

À propos d'Alessandro Diana : https://www.researchgate.net/profile/Alessandro_Diana (archivé : http://dpaq.de/jM7IU)

À propos de Frédérique Jacobs : https://plus.lesoir.be/315516/article/2020-07-27/frederique-jacobs-remplace-yves-van-laethem-comme-porte-parole-interfederal (archivé : http://dpaq.de/sTukh)

Sur les vaccins à l’essai (Oms) : https://www.who.int/publications/m/item/draft-landscape-of-covid-19-candidate-vaccines (http://dpaq.de/T8sgM)

Communiqué des services de renseignement américains : https://www.dni.gov/index.php/newsroom/press-releases/item/2112-intelligence-community-statement-on-origins-of-covid-19(archivé : http://dpaq.de/lXFIf)

Vérification des faits de Facta.news sur les autopsies en Italie : https://facta.news/notizia-falsa/2020/05/12/non-e-vero-che-una-circolare-del-ministero-della-salute-vieta-le-autopsie-sui-morti-di-covid-19/ (archivé : http://dpaq.de/x5z5e)

A propos de la protection du masque : https://www.info-coronavirus.be/fr/masque/ (archivé : http://dpaq.de/519Qy)

Article du journal Le Temps (Suisse) sur les essais vaccinaux en Afrique du Sud : https://www.letemps.ch/monde/lafrique-sud-brave-rumeurs-tester-un-vaccin-contre-covid19 (archivé : http://dpaq.de/Qrgwr)

Carte de l’Afrique recensant les cas de coronavirus (OMS) : https://who.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/0c9b3a8b68d0437a8cf28581e9c063a9 (archivé : http://dpaq.de/j0aih)

Sur TVLibertés, article du magazine Marianne : https://www.marianne.net/culture/tv-libertes-la-webtele-des-ultra-reacs-qui-se-reve-en-fox-news-la-francaise (archivé : http://dpaq.de/2o0hs)

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