Une couverture de magazine falsifiée sur Macron et l'Ukraine

Depuis début mars, une prétendue couverture du magazine satirique allemand « Titanic » est diffusée sur les réseaux sociaux, montrant une caricature du président français Emmanuel Macron en train de larguer des grenouilles de combat au-dessus de l'Ukraine. Derrière lui, se trouvent des cartons remplis de grenouilles à l'air effrayé et sur le point de subir le même sort. Le titre est le suivant : « Macron envoie des renforts français à l'armée ukrainienne ». Mais cette Une n'a jamais existé.

Évaluation

Cette prétendue couverture est fausse. « Titanic » n'a jamais publié cette Une, ressort-il d'une liste de toutes les couvertures publiées sur le site internet de la publication.

Faits

La prétendue couverture du magazine est une caricature montrant Macron en treillis militaire à bord d'un avion de transport. Par la porte ouverte de l'appareil, il jette des cartons remplis de grenouilles portant des casques d'acier et flottant vers le sol grâce à des parachutes.

Le contexte temporel indique que ces publications renvoient aux déclarations du président français faites à Paris le 26 février 2024, lors d'une conférence de soutien à l'Ukraine. Macron n'y avait pas exclu l'envoi de troupes occidentales au sol en Ukraine.

Parmi les premiers propagateurs de la prétendue couverture du « Titanic », on retrouve le 4 mars 2024, une page francophone du réseau social russe VK, intitulée « En défense de la Russie ».

Le même jour, une utilisatrice du réseau X (anciennement Twitter), qui dit habiter au Grand-Duché de Luxembourg et se décrit comme une « analyste des services secrets » d'un « service de renseignement privé », prétend à l'appui de la fausse couverture : « l’édition web Titanic se moque de Macron ».

Presque simultanément, une autre version légèrement modifiée de la fausse couverture est également publiée sur les réseaux sociaux. Sur celle-ci, des grenouilles portent le nom d'hommes politiques ou de journalistes principalement français.

Usurpation d'identité

Mais « Titanic » n'a jamais publié cette couverture. La Une originale du numéro de mars 2024 montre le président russe Vladimir Poutine faisant un signe de la main avec le titre « Swing State Ukraine ».

Un coup d'œil sur le site web du magazine montre qu'il n'y a pas eu de couverture identique à celle partagée sur les réseaux sociaux dans le passé. La page Facebook de « Titanic », fréquemment actualisée, ne donne pas non plus de résultat concordant.

La présentation de la fausse première page rappelle des contrefaçons similaires de médias occidentaux survenues depuis le début de la guerre en Ukraine, comme on peut le lire ici ou encore ici.

Les « grenouilles » pour désigner les gens du peuple

La caricature de Macron joue sur le fait que les Français sont souvent appelés « frogs » (grenouilles) avec condescendance dans les pays anglophones. Inversement, les Français utilisent parfois les mots « Rosbif » ou « Biftek » pour désigner les Britanniques, en référence aux habitudes alimentaires anglaises.

Toutefois, contrairement à une opinion largement répandue, la raison de l'appellation « grenouilles » n'est pas due à l'étonnement britannique de voir que de nombreux Français aiment manger des cuisses de grenouilles. L'expression est née en France, comme l'a expliqué l'auteur et linguiste français Claude Duneton, notamment dans un article pour le journal « Le Figaro ».

Cette appellation est liée au fait qu'il existait autrefois un lavoir sur la rive gauche marécageuse de la Seine à Paris, où l'on parlait un patois de pauvre, raillé par les nobles et les lettrés de la cour de Versailles. Les gens du peuple étaient traités de grenouilles, écrit Duneton. Et à la cour de Versailles, on s'était beaucoup amusé de l'expression consacrée « Qu'en disent les grenouilles...».

Après la révolution et la constitution républicaine de 1791, de nombreux nobles se sont réfugiés à Londres - où ils ont raconté avec horreur ce que les « grenouilles » leur avaient fait. C'est ainsi que les Français révolutionnaires sont devenus des « grenouilles » dans la langue anglaise.