Le Kenya numérise ses services aux citoyens

Bill Gates aurait un projet spécifique au Kenya : l'implantation d'identifiants numériques dans le corps des nouveau-nés. Cette affirmation est largement relayée sur les réseaux sociaux. Pour preuve, des internautes partagent une vidéo de ce qui semble être un journal télévisé évoquant cette allégation. Toutefois, le milliardaire philanthrope a-t-il réellement l'intention d'implanter un « acte numérique » dans le corps des bébés kényans ?

Évaluation

Non, Bill Gates ne va pas implanter un système d'identification numérique chez les nouveau-nés. La Fondation Bill et Melinda Gates joue un rôle consultatif auprès du gouvernement du Kenya dans son programme de transition de l'identification des citoyens. L'extrait de Bill Gates à la fin de la vidéo n'a aucun rapport avec le programme kényan.

Faits

Une recherche d'image inversée à partir d'une capture d'écran de la vidéo permet d'en retrouver la trace sur le web. Elle provient de la chaîne d'information LN24 International et plus précisément de l'émission « Worldview », présentée ici par Yvonne Kastande. On retrouve une version plus longue de cette vidéo sur ce compte Instagram, qui semble appartenir à la présentatrice, à la date du 1er novembre 2023.

LN24 International fait partie du réseau mondial d'information chrétien Loveworld Incorporated. La chaîne appartient au télévangéliste nigérian Chris Oyakhilome, fondateur de l'église Christ Embassy. Pendant la pandémie de Covid-19, ce réseau a été condamné par l'autorité britannique de régulation des médias pour avoir diffusé des déclarations « trompeuses et potentiellement nuisibles » à propos du coronavirus et de la vaccination.

Projet d’identification numérique au Kenya

Le Kenya travaille depuis plusieurs années sur un projet d'identification numérique de la population. Le projet de carte d'identité numérique de troisième génération du Kenya, nommé Maisha Namba, devrait permettre aux citoyens d'accéder plus facilement aux services du gouvernement.

Ce projet d'identification comporte plusieurs éléments. Tout d'abord, un numéro d'identification personnel délivré après l'inscription du citoyen au registre de la population (généralement à la naissance). Une carte d'identité est aussi prévue, la Maisha Card, dotée d'une puce électronique contenant les données biométriques du citoyen telles que l'analyse des empreintes ou celle de l'iris. Enfin, une version numérique de cette carte d'identité devra être délivrée aux citoyens pour leur permettre de s'identifier en ligne auprès des services gouvernementaux.

La Deutsche Presse-Agentur (dpa) n'a trouvé aucune trace de l'allégation sur les nouveau-nés. Contacté, le service en charge du programme Maisha Namba n'a pas répondu à nos sollicitations.

Le traitement des données personnelles dans le cadre du projet Maisha Namba soulève des questions pour plusieurs organisations de défense des droits de l'homme. La Haute Cour kényane a déjà suspendu ce programme à plusieurs reprises pour qu'il se plie à la loi sur la protection des données.

Extrait de Bill Gates hors contexte

La fondation philanthropique de Bill et Melinda Gates joue uniquement un rôle de conseiller auprès du gouvernement du Kenya dans le projet Maisha Namba.

L'extrait montrant Bill Gates s'exprimer à la fin de vidéo diffusée sur les réseaux sociaux n'a aucun lien avec le projet Maisha Namba.

Ce clip provient d'un reportage de janvier 2015 diffusé par le média Euractiv au sujet d'une réunion à Bruxelles où Bill Gates évoquait comment les organismes génétiquement modifiés (OGM) pourraient apporter des solutions aux défis agricoles. Au cours de son intervention, le milliardaire américain a cherché à apaiser les craintes autour de l'utilisation de ces OGM en les comparant aux vaccins qui recourent également à des organismes génétiquement modifiés. Il n'était pas question de l'identification numérique.

(Situation au 13.11.2024)