Vidéo manipulée

Le département d'Etat américain victime d'un deepfake

Publié le 06.06.2024, 18:26 (CEST)

L'intelligence artificielle permet désormais de monter des pistes audios de toutes pièces. Une technique utilisée dernièrement contre Matthew Miller, le porte-parole du département d'Etat américain.

Le 30 mai 2024, différents médias ont annoncé que les Etats-Unis avaient autorisé l'Ukraine à utiliser des armes américaines sur le sol russe. Cette autorisation ne s'applique toutefois qu'à des contre-attaques dans la région ukrainienne de Kharkiv, frontalière de la Russie, selon un responsable américain anonyme cité dans la presse.

Peu de temps après cette annonce, une vidéo du porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller, a émergé sur les réseaux sociaux (entre autres sur Facebook et X). Ce dernier semble y déclarer que Belgorod, une ville russe située à environ 70km de Kharkiv, abrite de nombreuses installations militaires et que quasiment plus aucun civil n'y habite. « Nous allons soutenir nos alliés (ukrainiens, NDLR) dans tout ce qu'ils décident de faire », aurait-il notamment prévenu. Mais cette vidéo est-elle authentique ?

Evaluation

Non, l'audio de la vidéo a été manipulé. Le porte-parole du département d'Etat américain n'a pas tenu de tels propos.

Faits

La vidéo présente déjà une étrangeté majeure : au début, Matthew Miller porte une chemise blanche et une cravate bleu foncé. Mais, à partir de la 17ème seconde, le porte-parole du département d'Etat américain arbore une chemise bleu clair et une cravate magenta.

Il s'agit en fait de deux extraits de conférences de presse différentes qui ont été juxtaposés. Il est possible de retrouver les vidéos originales en parcourant la page des « press briefings » du département d'Etat - l'équivalent aux Etats-Unis du ministère des Affaires étrangères.

Le premier extrait est issu d'une conférence de presse datant du 9 mai 2024, disponible en intégralité sur YouTube. Le moment précis qui a été repris dans la vidéo manipulée est visible entre 30min17 et 30min43. Le deuxième extrait, dans lequel Matthew Miller porte une cravate magenta, figure quant à lui dans une conférence de presse du 28 mai (plus précisément entre 30min et 30min38).

Aucune déclaration sur Belgorod

Dans la version originale, la ville de Belgorod n'est mentionnée dans aucun de ces passages - retranscrits ici et ici. Matthew Miller s'exprime en réalité sur le conflit entre le mouvement palestinien Hamas et Israël. Le porte-parole ne parle de Belgorod à aucun moment de ces deux conférences de presse.

L'audio de la version partagée sur les réseaux sociaux a donc été modifié. On remarque d'ailleurs que les mouvements des lèvres ne correspondent pas aux phrases entendues dans la vidéo fabriquée. Aujourd'hui, il est possible de créer ce genre de clips grâce à des logiciels utilisant l'intelligence artificielle (IA). On parle de deepfake (pour la vidéo) et de deepfake audio (pour le son).

Evoquant la vidéo auprès du journal américain The New York Times, Matthew Miller a dénoncé de la « désinformation », et en a attribué la responsabilité à la Russie. La fausse séquence a notamment été partagée sur le compte X de l'ambassade russe en Afrique du Sud, avant d'être supprimée.

Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison-Blanche, a été victime d'une manipulation similaire en mai, comme l'a signalé la Deutsche Presse-Agentur (dpa) dans un autre fact-check.

(Situation au 06.06.2024)

Liens

A propos de l'autorisation des Etats-Unis - Le Soir (version archivée)

Publication Facebook (version archivée)

version archivée)

Vidéo archivée

A propos de Matthew Miller (version archivée)

Conférences de presse du département d'Etat américain (version archivée)

Conférence de presse du 9 mai 2024 sur YouTube (version archivée)

Conférence de presse du 28 mai 2024 sur YouTube (version archivée)

Transcriptions des conférences de presse du 9 mai et du 28 mai (versions archivées I et II)

A propos des deepfakes - RTBF (version archivée)

Article du New York Times (version archivée)

Capture d'écran du post X de l'ambassade russe en Afrique du Sud

Fact-check de la dpa

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