Fausses allégations
Les aurores boréales de mai en Europe étaient naturelles
Publié le 24.5.2024, 14:08 (CEST)
Des lumières intenses et inhabituelles ont éclairé le ciel européen en mai. Des aurores boréales étaient visibles dans des pays qui n'y sont pas habitués. Depuis, des internautes affirment que ce phénomène aurait été créé artificiellement à l'aide d'HAARP, un programme de recherche américain situé en Alaska. Mais est-ce possible ?
Evaluation
Non, les aurores boréales du mois de mai 2024 en Europe n'ont pas été provoquées par HAARP mais par une forte activité solaire. Le système HAARP n'est pas assez puissant pour créer des aurores boréales à une telle distance et sur une telle durée.
Faits
Dans la nuit du 10 au 11 mai, des aurores boréales ont pu être observées dans des pays d'Europe centrale. Cela a par exemple été le cas en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Suisse, en Irlande et au Royaume-Uni - soit bien plus au sud que dans les régions où elles sont habituellement visibles.
Mais, contrairement à ce qu'avancent certains internautes, ce phénomène n'a pas été causé par le programme de recherche américain HAARP. Les aurores boréales en question sont le résultat d'une forte activité solaire, et non d'une intervention humaine. HAARP n'a pas la capacité de générer des aurores artificielles à cette échelle.
Bien que l'institut ait mené une campagne de recherche du 8 au 10 mai, « les expérimentations scientifiques de HAARP n'étaient en aucun cas liées à la tempête solaire ou à la haute activité aurorale observée à travers le monde », a déclaré Jessica Matthews, directrice de HAARP, dans un communiqué publié le 13 mai. La campagne en question avait pour but d'étudier les mécanismes de détection des débris en orbite dans l'espace, et avait été prévue plus d'un mois avant la tempête géomagnétique, a-t-elle ajouté.
Les aurores polaires
L'aurore polaire naturelle est le résultat de l'activité solaire. Le Soleil est une étoile active, indique Romain Maggiolo, chercheur à l'Institut belge d'aéronomie spatiale (BIRA), interrogé par la Deutsche Presse-Agentur (dpa) pour un autre fact-check en novembre 2023. Les éruptions à la surface du Soleil entraînent des vents solaires remplis de particules chargées électriquement qui se déplacent vers la Terre.
Ces particules excitent les atomes et molécules présents dans les couches les plus élevées de l'atmosphère et transfèrent leur énergie. De cet excès d'énergie résulte une lumière, que nous appelons aurore. On parle d'aurores boréales dans l'hémisphère Nord et d'aurores australes dans l'hémisphère Sud – les pôles sont les endroits de la Terre où l'on a le plus de chances d'en apercevoir.
Les aurores ne sont pas visibles partout sur Terre car la plupart des particules provenant du Soleil sont détournées par le champ magnétique terrestre, explique Romain Maggiolo. Cependant, autour de chaque pôle se trouve un ovale polaire dans lequel ces particules peuvent pénétrer dans l'atmosphère. Les aurores boréales y sont ainsi visibles si les conditions météorologiques le permettent.
Cet ovale polaire s'étend rarement au-dessus de l'Europe centrale. Sa taille dépend de la force de l'activité solaire. Ceci n'est pas totalement aléatoire, mais dépend du cycle solaire d'environ 11 ans. Actuellement, le cycle solaire est assez proche de son maximum.
L'indice Kp exprime l'ampleur de la perturbation du champ magnétique terrestre par cette activité solaire et la taille des ovales polaires. Pour observer les aurores boréales en Europe, un indice Kp entre 5 et 9 est requis. Un indice Kp 4 permettrait de voir les aurores polaires du pôle Nord jusqu'à la latitude d'Helsinki, Stockholm ou Oslo, alors qu'un indice Kp 9 les rendrait visibles jusqu'à Marseille, Barcelone, Rome ou Bucarest. En Europe centrale, il s'agirait d'un indice Kp 7.
Les aurores boréales de mai 2024
En mai, une tempête géomagnétique de niveau 5 (G5), le plus élevé, a été enregistrée. Il s'agit de la plus importante à toucher la Terre depuis 20 ans. Le journal Le Monde parle d'une « tempête solaire extrême » : un phénomène qui comportait, entre autres, des risques de perturbations des réseaux électriques et de communication.
Le niveau géomagnétique de la G-Scale représente les conditions météorologiques spatiales pouvant perturber les systèmes sur notre planète. Ce niveau élevé, lié à la période haute du cycle d'activité du Soleil, et les valeurs de l'indice Kp dépassant 8 (à la date du 10 mai 2024), ont créé les conditions propices à l'apparition d'aurores boréales. Comme le montre la galerie photos de la RTBF, le temps dégagé se prêtait également à l'observations des aurores.
Le lien entre HAARP et les aurores
HAARP, qui signifie « High Frequency Active Auroral Research Program », est un institut de recherche américain basé à Gakona, en Alaska.
Cet observatoire était à l'origine la propriété de l'armée américaine, mais depuis 2015 il appartient à l'Université d'Alaska à Fairbanks. HAARP mène des recherches sur l'ionosphère. Il s'agit de la couche supérieure de l'atmosphère autour de la Terre. L'ionosphère commence à environ 80 kilomètres de la surface de la Terre et s'étend à plus de 500 kilomètres au-dessus de celle-ci.
Entre le 4 et le 7 novembre 2023, HAARP a mené une expérience visant à créer des aurores artificielles en Alaska. En envoyant de courts signaux radio dans l'ionosphère, les scientifiques tentent, tout comme le feraient les particules solaires, d'exciter les atomes et les molécules afin qu'ils commencent à émettre de la lumière. Ces expériences, bien que spectaculaires, restent limitées en portée et en durée. La quantité d'énergie nécessaire pour générer une aurore visible à grande échelle dépasse de loin les capacités de HAARP.
Les aurores produites artificiellement par HAARP ne sont visibles que dans un rayon de 500 kilomètres et pendant une courte période, souligne Romain Maggiolo.
Selon lui, la raison pour laquelle cet effet expérimental est si limité réside dans l'énergie nécessaire pour créer une telle aurore. L'aurore naturelle n'est clairement visible à différents endroits qu'en présence d'une puissance hémisphérique (afflux d'énergie dans l'atmosphère) d'au moins 50 gigawatts.
Le chercheur conclut que, bien que l'installation HAARP soit la plus puissante du genre, elle ne peut pas atteindre cette quantité d'énergie. HAARP peut uniquement créer une aurore artificielle en un point précis de l'atmosphère, pendant une durée très courte.
Dans un fact-check en 2023, la dpa avait déjà fait état d'une forte tempête solaire le 5 novembre, qui avait entraîné un indice Kp de 7 en Belgique. Cela avait amené l'ovale polaire nord à s'étendre suffisamment vers le sud pour rendre les aurores visibles en Europe. Il s'agit d'événements exceptionnels, précisait à l'époque Romain Maggiolo, mais qui s'expliquaient par le fait que le cycle solaire était presque à son maximum.
(Situation au 24.05.2024)
Liens
Publication Facebook (version archivée)
A propos des aurores boréales de mai 2024 - RTBF, 20 Minutes et France info (versions archivées I, II et III)
A propos des aurores boréales de mai 2024 - NOAA (version archivée)
Communiqué de HAARP (version archivée)
Aeronomie.be - Les aurores polaires (version archivée)
A propos de Romain Maggiolo (version archivée)
Fact-check de la dpa (en néerlandais)
Futura Sciences - Aurores boréales & australes (version archivée)
Aeronomie.be - Champ magnétique terrestre (version archivée)
Aeronomie.be - Ovales polaires (version archivée)
Aeronomie.be - Cycle d'activité solaire (version archivée)
Nasa - Niveau du cycle actuel (version archivée)
Aurora Forecast - Indice Kp (version archivée)
Spaceweatherlive - Ovales polaires (version archivée)
Spaceweatherlive - Indice Kp minimum (version archivée)
Le Monde - Tempête solaire (version archivée)
RTBF - Galerie photos (version archivée)
A propos de HAARP - FAQ (version archivée)
Version archivée de l'indice Kp au 10 mai 2024
UAF - Projet sur les aurores boréales (version archivée)
Sciences & Vie - HAARP & aurores boréales (version archivée)
À propos des fact-checks de la dpa
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