Interview hors contexte
Des propos de Kyrylo Boudanov tenus avant l'attaque à Moscou
Publié le 9.4.2024, 17:36 (CEST)
Kyrylo Boudanov, le chef du renseignement militaire ukrainien, se serait dit « très heureux » de l'attentat terroriste intervenu fin mars 2024 dans une salle de concert en banlieue de Moscou, le Crocus City Hall. C'est en tout cas ce qu'affirment plusieurs internautes sur les réseaux sociaux, qui partagent un extrait d'une de ses interviews, visionné plus de 44 000 fois sur X. « Le vrai visage des responsables de Kiev », commente un utilisateur de Facebook, tandis qu'un autre interpelle sur X : « Vous voulez savoir qui se cache derrière les attentats terroristes de Moscou ? »
Mais cette interview a été sortie de son contexte.
Evaluation
L'entretien en question s'est déroulé en janvier 2023, soit plus d'un an avant l'attentat du Crocus City Hall à Moscou. Kyrylo Boudanov y évoque une attaque contre une base militaire russe.
Faits
Le logo de la chaîne de télévision américaine ABC News est visible dans le coin supérieur droit de la vidéo. Une recherche avec le nom du média ainsi que celui de Kyrylo Boudanov permet de retrouver l'interview d'origine. Celle-ci a été diffusée le 4 janvier 2023 sur le site d'ABC News, ainsi que sur sa chaîne YouTube.
La journaliste, Britt Clennett, y interroge le chef du renseignement militaire ukrainien au sujet d'une attaque qui avait touché une base aérienne russe quelques jours plus tôt, le 26 décembre 2022. Moscou avait alors déclaré avoir abattu un drone ukrainien qui se dirigeait vers la base, les débris tuant trois personnes.
Lorsque Britt Clennett cherche à savoir si l'Ukraine est responsable de cette attaque, Kyrylo Boudanov se refuse à tout commentaire. Ce dernier se dit toutefois être « très heureux de voir cela ». La journaliste lui demande ensuite s'il pense qu'il y aura plus d'attaques de ce type à l'avenir, ce à quoi il répond par l'affirmative.
Mais les propos tenus ici par le militaire ukrainien ne concernent en aucun cas l'attentat terroriste du Crocus City Hall, qui n'avait pas encore eu lieu à l'époque.
Aucune preuve d'implication de l'Ukraine
L'attentat du 22 mars 2024, qui a coûté la vie à au moins 144 personnes, a rapidement été revendiqué par le groupe terroriste Etat islamique (EI). Plusieurs arrestations ont eu lieu depuis, dont quatre hommes originaires du Tadjikistan suspectés d'être les assaillants qui ont ouvert le feu sur la foule.
Le président russe Vladimir Poutine a indiqué que l'attaque avait été perpétrée par des « islamistes radicaux », tout en pointant l'Ukraine du doigt. Kiev a de son côté nié toute implication. Une vidéo diffusée par les médias russes début avril, dans laquelle l'un des suspects semble avouer un lien avec l'Ukraine, est censée prouver la thèse du Kremlin. Ses déclarations sont toutefois à considérer avec une grande prudence, les suspects ayant affiché des marques de torture lors de leurs apparitions publiques.
A ce stade, il n'existe aucun élément vérifié de manière indépendante qui démontrerait une éventuelle implication de l'Ukraine. C'est notamment la conclusion tirée par les Etats-Unis et la France.
D'autres fausses affirmations liant à tort des Ukrainiens à l'attentat du Crocus City Hall ont été démystifiées par la Deutsche Presse-Agentur (dpa) ici et ici.
(Situation au 09.04.2024)
Liens
Publications Facebook I et II (versions archivées I et II)
Publications X I et II (versions archivées I et II)
Vidéo archivée avec sous-titres en français et en anglais
Article d'ABC News avec l'interview (version archivée)
Interview d'ABC News sur YouTube (version archivée)
A propos de Kyrylo Boudanov - Sud Ouest (version archivée)
A propos de l'attaque contre la base aérienne russe - La Libre (version archivée)
A propos de l'attentat du Crocus City Hall - L'Avenir (version archivée)
A propos des accusations de la Russie vis-à-vis de l'Ukraine - RTBF et BBC (versions archivées I et II)
A propos des accusations de torture - Human Rights Watch (version archivée)
Déclarations des Etats-Unis - Le Soir (version archivée)
Communiqué du ministère français des Armées (version archivée)
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