Aucun lien avec le WEF

Des pistes pour rendre l'agriculture urbaine plus durable

Publié le 05.03.2024, 14:47 (CET)

Une étude sur l'empreinte carbone de l'agriculture urbaine suscite l'indignation de nombreux internautes. Pourtant, l'interprétation qu'ils en donnent est loin de la réalité.

Le Forum économique mondial (WEF) appellerait les gouvernements à interdire au grand public de cultiver leurs « propres aliments ». Pourquoi ? Parce que cela « détruirait la planète », à en croire certains internautes.

Depuis début février, ce message est largement relayé sur Facebook et la plateforme X (comme ici, ici et ici), où il cumule pas moins de 600.000 vues en français. Il apparaît également en d'autres langues sur de nombreux blogs.

Mais ces affirmations sont fausses.

Evaluation

L'étude à laquelle les publications renvoient n'a aucun lien avec le WEF et ne recommande nulle part d'interdire les potagers. Au contraire, ses auteurs encouragent le développement de fermes, jardins collectifs et potagers urbains, tout en proposant des pistes pour réduire leur empreinte carbone.

Faits

Les publications partagées sur les réseaux sociaux s'appuient sur une étude de l'Université du Michigan, intitulée « Comparaison des empreintes carbone de l'agriculture urbaine et conventionnelle ». Celle-ci a été publiée fin janvier 2024 dans la revue scientifique Nature.

Selon ses auteurs, les fruits et légumes cultivés dans les fermes et potagers urbains émettraient en moyenne six fois plus de gaz à effet de serre que les produits cultivés de manière conventionnelle, à quelques exceptions près.

L'étude n'appelle toutefois nulle part à interdire les potagers. Bien au contraire.

Augmenter la durée de vie de l'infrastructure

Pour parvenir à leur conclusion, les chercheurs ont examiné 73 sites d'agriculture urbaine en Europe et aux Etats-Unis. Ils se sont concentrés sur trois types de structures à faible usage technologique : les fermes urbaines (gérées par des professionnels), les potagers individuels et les jardins collectifs.

Pour chaque site, ils ont calculé les émissions de gaz à effet de serre (ou empreinte carbone) associées aux matériaux utilisés et aux pratiques des jardiniers. Ces émissions ont ensuite été comparées à celles émanant de l'agriculture conventionnelle.

Premier enseignement : l'infrastructure pour l'agriculture urbaine est gourmande en énergie. L'étude donne comme exemple les plates-bandes surélevées, où sont cultivés les aliments, les chemins entre les parcelles, les engrais, les tissus bloquant les mauvaises herbes ou encore les structures de compost, dont l'exploitation devrait être maintenue sur de « longues périodes » pour amortir les émissions associées à leur durée de vie. « Or les jardins collectifs et fermes urbaines sont souvent précaires, en particulier dans les villes soumises à des pressions de développement. Certains projets ne sont conçus que pour un usage temporaire », souligne l'étude.

Autre constat : certaines cultures urbaines peuvent néanmoins offrir des avantages en termes d'empreinte carbone par rapport à l'agriculture conventionnelle. Comme les tomates, par exemple. Cela s'explique en grande partie par l'utilisation de serres et de schémas de transport et distribution très émetteurs de gaz à effet de serre dans l'agriculture conventionnelle.

Bénéfices sociaux

Selon les chercheurs, l'agriculture urbaine, présentée comme une solution visant à rendre les villes et les systèmes alimentaires plus résilients, devrait continuer à proliférer à l'échelle mondiale.

Loin d'appeler à interdire cette pratique, ils suggèrent au contraire de la poursuivre. Pour la rendre plus durable, ils encouragent politiques et citoyens à maximiser la durée de vie des infrastructures, réutiliser les déchets urbains (compost) comme intrants ou encore utiliser les fermes comme sites d'éducation, de loisirs et de développement communautaire, en plus de leur vocation agricole.

Ce dernier point est important dans la mesure où les bénéfices de l'agriculture urbaine ne peuvent être évalués qu'en termes d'empreinte carbone, estiment les chercheurs. L'étude souligne les composantes sociales de l'agriculture urbaine, comme la santé mentale ou encore la cohésion parmi les jardiniers.

Aucune preuve d'un lien avec le WEF

Les publications partagées sur les réseaux sociaux établissent par ailleurs un lien inexistant entre l'étude et le Forum économique mondial.

L'étude ne cite le WEF nulle part dans ses sources de financement, ni dans les affiliations de ses auteurs.

On ne la retrouve pas non plus sur le site web du WEF, malgré une multitude d'articles favorables à l'agriculture urbaine.

Sollicité par la Deutsche Presse-Agentur (dpa), le WEF n'a pas répondu dans l'immédiat. Mais son porte-parole, Yann Zopf, a précisé dans un mail à l'organisation de fact-checking Factly : « Je peux confirmer que le World Economic Forum n'a jamais fait de telles déclarations et ne finance d'aucune manière l'Université du Michigan. »

En résumé, aucune preuve ne soutient l'affirmation selon laquelle le WEF appellerait les gouvernements à interdire aux citoyens de produire leur nourriture eux-mêmes.

(Situation au 05.03.2023)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Publications X I, II, III (versions archivées I, II, III)

Publications sur divers blogs I, II, III (versions archivées I, II, III)

Etude de l'Université du Michigan (version archivée)

Etude publiée dans la revue Nature (version archivée)

Recherche sur le site web du WEF (version archivée)

Fact-check de Factly (version archivée)

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