Réchauffement climatique
La Grande Barrière de corail toujours vulnérable
Publié le 4.1.2024, 11:36 (CET)
Sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes affirment que « les bancs de corail ont connu une croissance significative ces dernières années », un signe à leurs yeux que le réchauffement climatique serait un « mensonge ».
Ces allégations, extrapolées d'un rapport évaluant l'état de la Grande barrière de corail en 2023, circulent depuis début décembre 2023 sur Facebook, X et Telegram, notamment. Mais elles omettent une grande partie de la vérité.
Évaluation
Le rapport sur lequel ces publications se fondent dépeint une réalité bien plus complexe. Si la Grande Barrière de corail s'est majoritairement rétablie après avoir subi plusieurs épisodes de blanchissement (un phénomène naturel dû à l'augmentation de la température de l'eau pouvant aller jusqu'au dépérissement des coraux), elle reste vulnérable face au réchauffement climatique.
Faits
Les messages partagés sur les réseaux sociaux s'appuient sur un rapport établi par l'Australian Institute of Marine Sciences (AIMS), dans le cadre d'un programme de surveillance à long terme de la Grande Barrière de corail (Long-Term Monitoring Program, LTMP), qui fait référence en la matière.
Ce rapport - qui évalue la période allant d'août 2022 à mai 2023 - s'intitule : « Une pause dans le récent rétablissement des coraux dans la majeure partie de la Grande Barrière de corail ».
Une lecture approfondie de celui-ci permet de constater qu'il n'est mentionné nulle part de « croissance significative » des coraux, comme l'interprètent à tort certains internautes.
Le rapport indique qu'en 2023, « malgré de légères baisses, la couverture régionale de coraux durs était similaire à celle observée en 2022 ».
Cette année-là, un rétablissement généralisé avait en effet conduit à la couverture corallienne la plus élevée dans le nord et le centre de la Grande Barrière de corail en 36 ans d'observation. Cette reconstitution spectaculaire faisait suite à un énième épisode de blanchissement dû à des températures supérieures à la moyenne lors de l'été austral 2021/2022.
Mais selon les chercheurs de l'Australian Institute of Marine Sciences, le rétablissement de la couverture corallienne ne signifie pas que la Grande Barrière n'est plus menacée.
Une grande capacité de résilience
Le rapport 2023 brosse un tableau bien plus complexe.
Au cours des dix dernières années, la Grande Barrière de corail a connu des perturbations successives, allant de vagues de chaleur marine au blanchissement de coraux, en passant par des cyclones et des épidémies d'étoiles de mer « acanthaster pourpre » qui dévorent les coraux, expliquent les chercheurs de l'AIMS dans un article publié en août 2023, à l'occasion de la publication du rapport. Ces facteurs de stress ont causé la mort de nombreux coraux, en particulier lors des vagues de chaleur de 2016 et 2017.
Plus récemment, le plus grand récif corallien du monde s'est retrouvé sous l'influence du phénomène climatique La Niña (caractérisé par des eaux plus froides).
L'épisode de blanchissement de 2021/2022 - le premier à se produire sous ces conditions - a ainsi été moins intense que les précédents, entraînant une faible mortalité corallienne.
Cette situation a permis à certains coraux de se régénérer plus facilement. « Grâce aux conditions généralement plus fraîches de La Niña, les coraux durs ont regagné du terrain », poursuivent les chercheurs de l'AIMS.
L'année suivante, les gains enregistrés ont néanmoins été contrebalancés par des pertes dues aux étoiles de mer et aux conséquences du cyclone Tiffany, lit-on dans le rapport 2022/2023.
Malgré tout, les chercheurs de l'AIMS constatent que « le récif fait preuve d'une capacité impressionnante à se remettre de perturbations généralisées, lorsqu'il en a l'occasion ».
Avenir incertain
Bien que ces dernières observations incitent à l'optimisme, l'avenir de la Grande Barrière demeure cependant incertain.
« Le rétablissement nécessite un répit - et ces possibilités diminueront au fur et à mesure que le changement climatique progressera », notent les chercheurs de l'AIMS.
Avec l'augmentation de la température de l'eau, les épisodes de blanchissement pourrraient se produire chaque année, sans compter les menaces permanentes que représentent les cyclones et les étoiles de mer prédatrices de coraux.
Selon l'AIMS, le pronostic reste donc préoccupant. Certes, le récif s'est régénéré au-delà des espérances. Mais le mercure continue de grimper. Des blanchissements répétés comme celui de 2016 pourraient même inverser la tendance.
(Situation au 04.01.2023)
Liens
Publications Facebook I, II (versions archivées I, II)
Publications X I, II (versions archivées I, II)
Publication Telegram (version archivée)
A propos de l'Institut australien des sciences marines (version archivée)
Rapport sur l'état de la Grande barrière de corail 2022-2023 (version archivée)
Rapport sur l'état de la Grande barrière de corail 2021-2022 (version archivée)
A propos des étoiles de mer prédatrices - National Geographic (version archivée)
Article des chercheurs de l'AIMS sur la GBR (version archivée)
A propos du phénomène La Niña (version archivée)
A propos de l'épisode de blanchissement de 2021/2022 - RTBF (version archivée)
A propos du cyclone Tiffany - 7News (version archivée)
A propos des conséquences du réchauffement climatique (version archivée)
A propos de l'avenir de la GBR - The Guardian (version archivée)
Comment le réchauffement risque de tuer le corail - The Conversation (version archivée)
A propos des effets du réchauffement climatique - The Washington Post (version archivée)
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