Conclusions hâtives

Le Parlement européen adopte des propositions de réforme

Publié le 24.11.2023, 11:48 (CET), mis à jour le 28.11.2023, 08:44 (CET)

A en croire certains internautes, le Parlement européen serait passé en force en mettant fin au droit de veto des Etats membres. Sauf que les procédures européennes ne le permettent pas si facilement.

« Alerte !! Prise de pouvoir de l'UE en cours », avertit une utilisatrice de Facebook le 23 novembre 2023. Comme elle, de nombreux internautes s'alarment : le Parlement européen aurait voté en faveur de changements majeurs des Traités de l'Union européenne (UE), dont l'abolition du droit de veto des Etats membres. « L'époque de la souveraineté nationale est officiellement révolue », affirment certains dans des publications vues des dizaines de milliers de fois sur Facebook et la plateforme X.

Mais est-ce correct ? Le Parlement vient-il réellement de « faire sauter le droit de veto » des Etats membres, comme l'avancent certains ?

Évaluation

Non, le Parlement européen (PE) ne peut réviser à lui seul les Traités de l'Union européenne, qui régissent les procédures décisionnelles. Le Parlement n'a fait qu'adopter des propositions de réforme, qui doivent ensuite être examinées par les Etats membres.

Faits

Le mercredi 22 novembre 2023, le PE a adopté un rapport formulant des propositions de réforme des Traités européens. Ce rapport s'inscrit dans la foulée de la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Lancée en 2021, cette vaste consultation citoyenne avait permis d'aboutir à plus de 300 suggestions visant à améliorer le fonctionnement de l'UE.

Adopté par 305 voix pour (276 contre et 29 abstentions), le rapport de synthèse du PE préconise entre autres la fin, en matière de politique étrangère et de fiscalité notamment, du vote à l'unanimité au Conseil (qui confère de facto un droit de veto aux Etats membres). L'objectif affiché est de réduire le blocage de certaines décisions.

« Nous réagissons souvent trop peu et trop lentement, parce que nous sommes paralysés par l'exigence d'unanimité », a fait valoir Guy Verhofstadt, co-auteur du rapport, selon le procès-verbal de l'intervention du Parlement européen. Selon le libéral belge, « les vetos et le chantage sont devenus une pratique courante ».

Pour remplacer l'unanimité, les eurodéputés proposent d'adopter plus de décisions à la majorité qualifiée (soit 55% des pays représentant au moins 65% de la population de l'Union) et à la procédure législative ordinaire.

Parmi d'autres suggestions, le rapport plaide également pour renforcer le rôle du PE en lui octroyant un véritable droit d'initiative législative ainsi que pour créer une union de la Défense sous le commandement de l'UE.

Une procédure complexe et difficile

Ces propositions sont toutefois encore loin d'être une réalité, comme l'avancent - à tort - certains internautes.

Sur le plan juridique, la mise en oeuvre de certaines recommandations nécessite de réviser les Traités européens, ce que le Parlement ne peut faire seul.

En décembre, la présidence espagnole du Conseil soumettra ces suggestions aux Etats membres, selon un communiqué du Parlement européen.

En cas d'accord pour modifier les textes fondateurs, une Convention rassemblant des eurodéputés, des commissaires européens, des parlementaires nationaux et des dirigeants de l'UE devrait alors être convoquée pour ouvrir les débats, lit-on notamment ici.

Ensuite, chaque Etat de l'UE devra encore ratifier les modifications, éventuellement par le biais d'un référendum si la législation nationale le prévoit, ce qui en 2005 avait fait échouer le projet de Traité constitutionnel européen, rappelle l'agence de presse AFP.

Une réforme approfondie dépend donc de la volonté politique des gouvernements nationaux.

Vive opposition

Le rapport approuvé mercredi 22 novembre par le Parlement européen est par ailleurs loin de faire l'unanimité. Dans les rangs de l'institution, de nombreuses voix au sein des partis souverainistes et d'extrême droite notamment ont disqualifié le texte, le jugeant « inacceptable » et « dangereux ».

En Pologne, Donald Tusk, ancien président du Conseil européen et candidat proposé au poste de Premier ministre dans son pays, s'est également montré réticent.

(Situation au 24.11.2023)

Remarque : la dernière phrase a été rectifiée. Tusk fut président du Conseil européen de 2014 à 2019, et non du Parlement.

Liens

Publications Facebook I, II, III, IV, V (versions archivées I, II, III, IV, V)

Publications X I, II (versions archivées I, II)

Communiqué du PE sur l'adoption du rapport (version archivée)

A propos de la Conférence sur l'avenir de l'Europe (version archivée)

A propos du bilan de la Conférence - France 24 (version archivée)

A propos du rapport adopté par le PE - Euractiv (version archivée)

Procès-verbal de Verhofstadt (version archivée)

A propos de la majorité qualifiée (version archivée)

A propos de la procédure législative ordinaire (version archivée)

A propos de la procédure de révision des Traités européens (version archivée)

A propos des propositions du PE et de la révision des Traités - RTBF (version archivée)

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