Éducation sexuelle

Des propos de l’ONU sortis de leur contexte

Publié le 10.5.2023, 20:42 (CEST)

Lorsque des propos sont sortis de leur contexte, ceux-ci peuvent être mal interprétés et véhiculer de fausses informations. C’est souvent le cas sur les réseaux sociaux.

Les Nations unies (ONU) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) auraient élaboré un programme destiné aux écoles pour normaliser la pédophilie à travers le monde, affirment des internautes sur les réseaux sociaux. Selon eux, ces deux organisations, qualifiées par d'aucuns de « mafieuses, sataniques et dépravées », demanderaient que chaque enfant ait un partenaire sexuel. Mais est-ce vraiment le cas ? 

Évaluation

Non, ni l’ONU, ni l’OMS n’incitent les enfants à avoir des partenaires sexuels et encore moins à normaliser la pédophilie par le biais d'un programme scolaire. Ces propos sont mensongers. Un guide sur l’éducation sexuelle des jeunes a bien été publié par une organisation de l'ONU, mais de nombreux passages ont été sortis de leur contexte. 

Faits

D’après la rumeur, qui circule également en néerlandais sur les réseaux sociaux, l’OMS et l’ONU ambitionneraient de « normaliser la pédophilie » via l’enseignement fondamental. Cette fausse allégation trouve son origine dans un article du site web Stopworldcontrol.com.

Ce site, bien connu dans le milieu de la désinformation, regorge de théories conspirationnistes. Plusieurs de ses publications ont déjà fait l’objet de vérifications de la dpa par le passé (comme ici et ici en néerlandais).

L'article auquel se réfèrent cette fois les internautes se fonde sur un document des Nations unies intitulé « Principes directeurs internationaux sur l’éducation à la sexualité », publié par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science, et la culture (Unesco). Il s’agit d’une édition révisée, qui date de 2018.

Dans l’avant-propos, on apprend notamment que cette nouvelle version tient compte du fait que de plus en plus de jeunes demandent de « faire valoir leur droit à l’éducation à la sexualité ». L'Unesco entend par là « une éducation de qualité qui soit complète, fondée sur les compétences pour la vie courante, et qui aide les jeunes à développer les connaissances, les compétences et les valeurs et attitudes éthiques dont ils ont besoin pour faire des choix conscients, sains et respectueux concernant les relations interpersonnelles, la sexualité et la reproduction ».

Des propos déformés

Dans son article, Stopcontrolworld.com reprend plusieurs passages du document, mais les sort complètement de leur contexte.

L'article épingle notamment la page 16, qui aborde le concept d’éducation complète à la sexualité (ECS). Un processus, selon l'Unesco, qui doit doter les enfants et les jeunes de « connaissances, d’aptitudes et de valeurs qui leur donneront les moyens (dans le respect de leur santé, de leur bien-être et de leur dignité), de développer des relations sociales et sexuelles respectueuses ».

Mais pour le site, cet extrait incite tout simplement les jeunes à avoir des relations sexuelles dès leur plus jeune âge, ce qui est faux.

Parmi d'autres fausses affirmations, Stopworldcontrol.com pointe également la page 17, affirmant qu'elle donne des conseils pour « aider les enfants à nouer des relations avec des partenaires romantiques ou sexuels ». Cette phrase, raccourcie, est sortie de son contexte. 

La page 17 fait référence à des compétences de la vie courante, nécessaires à l'appui de choix sains, comme la capacité de réfléchir et de prendre des décisions éclairées, de communiquer clairement ou encore de faire preuve de fermeté pour développer des relations saines. La phrase entière est la suivante : « Ces compétences peuvent aider les enfants et les jeunes à nouer des relations respectueuses et saines avec les membres de leur famille, leurs pairs, leurs amis et leurs partenaires romantiques ou sexuels. »

Tout au long de l'article, Stopworldcontrol.com reprend encore d'autres passages en omettant de les contextualiser, ce qui déforme complètement le propos du document original.

Celui-ci vise à préparer les enfants et les jeunes à leur vie d'adulte afin qu'ils puissent adopter des comportements respectueux et dénoncer des gestes déplacés.

On peut d’ailleurs lire en introduction du document : « L’éducation complète à la sexualité est primordiale pour préparer les jeunes à une vie sûre, productive et épanouissante dans un monde où le VIH et le SIDA, les infections sexuellement transmissibles, les grossesses non désirées, la violence basée sur le genre et les inégalités entre les sexes continuent de présenter des risques graves pour leur bien-être. »

Un tissu de mensonges

L'article de Stopworldcontrol.com poursuit son argumentaire en s'appuyant également sur un document de l'OMS, intitulé « Standards pour l'éducation sexuelle en Europe ».

Contrairement à ce qu'avancent certains internautes, ce document n'encourage aucune pratique sexuelle à destination des enfants de maternelle et primaire. Il décrit seulement le développement comportemental des enfants et des jeunes en fonction de leur âge.

L'ONU ne cherche par ailleurs pas à dépénaliser les relations sexuelles entre mineurs et adultes, comme l'affirment certains. Cette allégation mensongère, inspirée d'un rapport établi par la Commission internationale de juristes (CIJ), en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) et l'ONUSIDA, a déjà fait l'objet d'une vérification de la dpa.

Le rapport en question ne prône nulle part la dépénalisation des relations sexuelles entre mineurs et adultes. Il met en lumière le fait que des personnes mineures n'ayant pas encore atteint leur majorité sexuelle devraient avoir le droit d’être sexuellement actives tant que le consentement est mutuel, sans que cela ne soit automatiquement criminalisé.

(Situation au 10.05.23)

Liens

Publications Facebook I et II (versions archivées I et II)

Rumeur vérifiée par la dpa en néerlandais

Site de l'OMS (version archivée)

Site de l'ONU (version archivée)

Article d'origine sur Stopworldcontrol (version archivée)

Facts-checks de la dpa en néerlandais I et II

Document de l'Unesco (version archivée)

Site de l'Unesco (version archivée)

Document de l'OMS (version archivée)

Document du CIJ (version archivée)

Fact-check de la dpa - en français

À propos des fact-checks de la dpa

Ce fact-check a été rédigé dans le cadre du programme indépendant de vérification de Facebook/Meta. Plus d’informations au sujet de ce programme peuvent être trouvées ici. Pour en savoir plus sur la façon dont Facebook/Meta gère les comptes qui diffusent des informations erronées, cliquez ici.

Si vous avez des objections ou des remarques, merci de les envoyer à l'adresse factcheck-belgium@dpa.com en incluant un lien vers la publication Facebook concernée (voir le modèle à utiliser ici).

Pour plus d’informations sur la manière de soumettre une correction ou de contester une évaluation, veuillez vous référer à cette page.