Un chiffre instrumentalisé

Même en faible proportion, le CO2 influence le climat

Publié le 5.5.2023, 15:41 (CEST)

Le dioxyde de carbone (CO2) constitue un composant mineur de l'atmosphère. Sa faible proportion ne le rend toutefois pas inoffensif pour le climat. Tout est une question d'équilibre.

Dans des publications devenues virales sur les réseaux sociaux, des internautes remettent en cause l'ampleur du réchauffement climatique, brandissant le faible pourcentage de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. Aux yeux de certains, ce taux - de 0,04% - serait insignifiant et ne justifierait pas de transformation de grande envergure.

« Encore une magnifique manipulation mondiale pour faire passer au tout électrique », s'insurge l'un d'eux, à l'appui de ce chiffre. « L'arnaque du siècle », proteste un autre. « Tout ça pour 0,04% », lit-on encore dans une publication, fustigeant l'adoption par le Parlement européen de la réforme du marché carbone.

Certains s'alarment également de l'impact des efforts de réduction des gaz à effet de serre sur la végétation qui aurait besoin de CO2 pour survivre.

Mais ces allégations sont-elles correctes ? D'où vient ce chiffre de 0,04% ? Et quelles sont ses réelles conséquences sur le climat ?

Évaluation

Le chiffre de 0,04% correspond à la concentration actuelle de CO2 dans l'atmosphère, qui est de 420 ppm (parties par million de volume d'air). Il est correct. Mais laisser penser que l'impact du CO2 est minime en raison de sa faible teneur dans l'atmosphère est faux. Même en faible proportion, le CO2 a des conséquences énormes sur le climat.

Faits

Depuis mi-avril, des publications sur les réseaux sociaux brandissent le chiffre de 0,04% pour discréditer certaines politiques de lutte contre le réchauffement climatique.

Pour étayer leurs propos, nombre d'internautes s'appuient sur une séquence vidéo, montrant l'élu républicain Doug LaMalfa interroger, le 28 mars 2023, un groupe d'experts lors d'une audition (à partir de 02:28:50) devant le Comité des Transports et de l'Infrastructure du Congrès américain.

Le député californien - qui a déjà publiquement nié l'origine humaine du réchauffement climatique, selon ce fact-check de l'AFP -, y sonde tour à tour les membres du panel sur leur estimation du pourcentage de CO2 dans l'atmosphère. Pris au dépourvu, ces derniers répondent par une série de suppositions incorrectes.

« La réponse est 0,04%. Pas 1%, pas 0,5%. C'est 0,04% », affirme le républicain, ajoutant que le CO2 n'a connu qu'une légère hausse au cours des dernières décennies.

Une augmentation loin d'être insignifiante

Si le chiffre de 0,04% est correct, il manque toutefois de contexte.

« Cette quantité correspond à la concentration actuelle de CO2 dans l'atmosphère, qui est de 420 ppm (parties par million de volume d'air) », explique le directeur du Laboratoire de climatologie de l'Université de Liège, Xavier Fettweis.

En d'autres termes, cela signifie que pour chaque million de particules d'air présentes dans l'atmosphère, 420 d'entre elles sont des molécules de CO2 (420/1000000 = 0,042/100 = 0,042%).

« Cela semble peu, mais cette proportion est loin d'être anodine », complète le glaciologue et professeur en climatologie à l'Université libre de Bruxelles, Frank Pattyn.

Car même s'il n'est présent qu'en faible quantité dans l'atmosphère, le CO2 joue un rôle majeur dans la régulation du climat, en piégeant la chaleur.

Ce mécanisme, appelé effet de serre, est un phénomène naturel, bien utile à la vie sur Terre, sans lequel la température serait en moyenne de -18°C, contre environ 15°C aujourd'hui.

« Le problème, c'est l'augmentation du CO2 », souligne Frank Pattyn. « Depuis la Révolution industrielle (vers 1850), sa teneur dans l'atmosphère a significativement augmenté, passant de 280 à 420 ppm, alors que son niveau était stable depuis environ 10.000 ans », précise-il.

Le cap de 420 ppm a été franchi en mai 2022.

Désormais, la concentration de CO2 dans l'atmosphère est 50% plus élevée qu'avant l'ère industrielle, selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

« Cette augmentation a déjà donné lieu à un réchauffement d'un peu plus de 1°C », poursuit Frank Pattyn. Avec des conséquences déjà observables, comme des vagues de chaleur plus fréquentes et plus étendues, des incendies record, des inondations, etc.

Les données de l'Organisation météorologique mondiale (OMM) le montrent également : les années 2015 à 2022 ont été les huit années les plus chaudes observées depuis 1850. Et la température moyenne de la planète en 2022 était supérieure de 1,15°C à la moyenne préindustrielle (1850-1900).

Un chiffre instrumentalisé par les climatosceptiques

In fine, « parler de 0,042% ou de 420 ppm revient au même », estime Frank Pattyn, mais « ceux qui veulent minimiser, voire nier l'importance du CO2, se référeront toujours à l'unité qui semble la plus petite ».

Aux États-Unis, cette technique a déjà fait ses preuves.

En 2015, un autre élu républicain, Dana Rohrabacher, connu pour ses positions climatosceptiques, avait également cherché à piéger l'administratice de l'Agence américaine de protection de l'Environnement (EPA), Gina McCarthy, sur le pourcentage de CO2 dans l'atmosphère.

Décontenancée, celle-ci avait répondu en donnant les chiffres en ppm, l'unité de mesure communément admise par les scientifiques pour mesurer l'évolution du CO2.

(Situation au 05.05.2023)

Liens

Publications Facebook I, II, III, IV et V (versions archivées I, II, III, IV et V, vidéo archivée)

À propos de l'audition devant le Comité des Transports et Infrastructure du Congrès américain (version archivée)

Intervention de Doug LaMalfa (version archivée, vidéo archivée)

À propos de Doug LaMalfa I et II (versions archivées I et II)

Fact-check de l'AFP en anglais (version archivée)

À propos de Xavier Fettweis (version archivée)

À propos de l'unité de mesure ppm (version archivée)

À propos de Frank Pattyn (version archivée)

À quoi ressemblent 400 ppm dans l'atmosphère (version archivée)

Rôle majeur du CO2 (version archivée)

À propos de l'effet de serre (version archivée)

Cap des 420 ppm (version archivée)

À propos de la teneur en CO2 50% plus élevée (version archivée)

Données de l'OMM (version archivée)

À propos de D. Rohrabacher I et II (versions archivées I et II)

Vidéo de D. Rohrabacher et Gina McCarthy (version archivée)

Chronologie des administrateurs de l'EPA (version archivée)

À propos de Gina McCarthy (version archivée)

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