Aucune interdiction

Un projet canadien sur l'inclusivité qui a été déformé

Publié le 14.03.2023, 17:14 (CET), mis à jour le 14.03.2023, 17:30 (CET)

Un projet de loi d’une province du Canada souhaite remplacer les mots genrés par des termes neutres dans les textes officiels. Il n’en fallait pas moins pour générer des interprétations erronées.

Le Canada aurait interdit l’utilisation des termes « frère » et « sœur », car ceux-ci auraient été jugés sexistes par les autorités. Cette affirmation circule sur les réseaux sociaux, comme ici sur Facebook, accompagnée d’une vidéo explicative. Cette dernière souligne l’importance d’un langage non genré, afin que tous les citoyens puissent se sentir représentés dans la société. Mais s’agit-il bien ici d’une interdiction ?

Évaluation

Le Canada n’a pas banni l’usage de ces mots. Un projet de loi émis dans une province du pays, la Colombie-Britannique, a fait part de sa volonté de modifier les mots genrés dans les textes de loi et autres documents officiels. Le texte propose par exemple de remplacer les mots « sœur » et « frère » par le terme « sibling » en anglais, qui n’est associé à aucun genre. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il vise à interdire l’emploi de ces mots dans le langage courant.

Faits

Les publications sur les réseaux sociaux se réfèrent à un communiqué de presse diffusé par le gouvernement de Colombie-Britannique le 8 mars 2023, journée internationale des droits des femmes.

Celui-ci, également disponible en français, porte sur un projet de loi déposé ce jour-là auprès de l’Assemblée législative (le Parlement) de Colombie-Britannique par Brenda Bailey, la ministre des Emplois, du Développement économique et de l'Innovation de la province.

Ce projet de loi a pour ambition de « modifier systématiquement les lois provinciales pour en éliminer les termes genrés et binaires afin de les rendre plus représentatives de la diversité de la province et de permettre à tous les gens d’accéder aux programmes et aux services provinciaux », selon le communiqué de presse.

Il propose ainsi de remplacer des pronoms comme « il » ou « elle », ou encore des mots tels que « frère » et « sœur », par des termes de genre neutre. Pour « sœur » et « frère » par exemple, le mot anglais « sibling » est privilégié – un terme qui englobe la notion d’adelphité sans être associé à un genre. L'anglais offre en effet plus de possibilités d'alternatives non genrées que d'autres langues, comme le français, par exemple.

D’autres mots, comme « président » ou « travailleurs » peuvent être mis à jour pour désigner la « présidence » ou la « main-d’œuvre », poursuit le communiqué.

Il ajoute que ces modifications concernent l’emploi de plus de 2 300 termes genrés et binaires dans les textes des lois provinciales. Le gouvernement de Colombie-Britannique a entamé ce processus depuis 2020 en modifiant quelque 1 400 termes dans les règlements provinciaux, afin que tous les citoyens puissent « se reconnaître dans la législation ». Le projet de loi vise à regrouper toutes ces rectifications afin d’uniformiser les termes utilisés par le gouvernement de Colombie-Britannique.

Moderniser la langue

Le projet de loi complet est consultable en ligne. À aucun moment il n’est fait mention d’interdire l’usage de mots tels que « frère » et « sœur » dans le langage courant. Le texte liste simplement les termes genrés et binaires identifiés dans différents textes de loi en vigueur en Colombie-Britannique, et suggère d'autres mots pour les remplacer.

On ne retrouve pas non plus une intention de la sorte dans la vidéo explicative partagée par le gouvernement de Colombie-Britannique sur les réseaux sociaux, notamment sur Twitter. Elle parle de moderniser le langage employé par les autorités de la province. Une quelconque interdiction n’est évoquée nulle part.

En ce qui concerne les termes « sœur » et « frère », on lit par exemple dans la vidéo qu’ils peuvent être remplacés par le mot « sibling ». Il est bien écrit ici « we can use sibling » et non « we must use sibling » (soit « nous pouvons utiliser » ce mot, et pas « nous devons »).

En outre, plusieurs étapes doivent encore être franchies avant que ce projet ne devienne une loi. Le texte n’en est pour le moment qu’à la première lecture, sur trois, devant l’Assemblée législative de Colombie-Britannique.

De plus, le projet n’englobe pas l’ensemble du Canada, mais bien une seule province. La Colombie-Britannique se targue d’ailleurs qu’elle deviendra la première province du pays à implémenter une telle réglementation, si celle-ci est approuvée par le Parlement.

Un débat animé

Depuis quelques années, de nombreuses réflexions sont apparues dans le but de rendre les langues plus inclusives. Ce débat existe aussi en français, un langage où « le masculin l’emporte sur le féminin », et divise l’opinion. Il n’est donc pas rare que les questions liées au genre fassent l'objet de désinformation, comme l'a signalé l'équipe de la dpa en Autriche par le passé.

(Situation au 14.03.2023)

Liens

Publication Facebook (version archivée - vidéo archivée)

Communiqué du gouvernement de la Colombie-Britannique – en anglais (version archivée)

Communiqué du gouvernement de la Colombie-Britannique – en français (version archivée)

Brenda Bailey (version archivée)

Définition de l'adelphité (version archivée)

Projet de loi (version archivée)

Tweet du gouvernement de la Colombie-Britannique (version archivée - vidéo archivée)

Procédure législative de la Colombie-Britannique (version archivée)

Réflexions autour de l'écriture inclusive (version archivée)

Débats autour de l'écriture inclusive (version archivée)

Fact-check de la dpa - en allemand

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