Images de la guerre froide

Un essai nucléaire sur l'île d'Amchitka dans les années 1970

Publié le 22.02.2023, 11:11 (CET)

Une vidéo relayée en ligne depuis les séismes qui ont touché la Turquie et la Syrie montrerait des expériences américaines sur les tremblements de terre. Celles-ci portaient sur le nucléaire, en 1971.

La catastrophe qui a frappé la Turquie et la Syrie début février nourrit les théories du complot sur les réseaux sociaux. Certains avancent que celle-ci ne serait pas d'origine naturelle, et aurait en fait été provoquée par une manipulation humaine. Les internautes pointent souvent du doigt des expériences américaines, comme ici et ici sur Facebook, où une vidéo comptabilise des centaines de vues. On y voit des images de grosses infrastructures et d’explosions. Cette supposée expérience permettrait selon eux de créer un tremblement de terre d'une magnitude de 6,7 en faisant exploser des bombes dans d'anciens puits de pétrole. En légende des publications figure parfois cette phrase pleine de sous-entendus : « Les Turcs savent de plus en plus qui sont leurs ennemis. »

Évaluation

La vidéo ne montre pas une expérience sur les tremblements de terre. Il s’agit d’images de l’essai nucléaire « Cannikin », qui s'est déroulé sur l'île américaine d'Amchitka, au beau milieu de l’océan Pacifique, en 1971.

Faits

Une version plus longue de la vidéo est disponible sur YouTube. Les premières secondes, coupées de la version qui circule sur Facebook, donnent déjà un contexte important. On y lit clairement les mots « Cannikin », « dispositif nucléaire » et « Amchitka, Alaska ». Cette petite île isolée se situe en plein milieu de l’océan Pacifique, entre la Russie et l’état américain de l’Alaska.

« Cannikin » fait référence à un essai nucléaire qui a eu lieu en pleine guerre froide. Le 6 novembre 1971, les États-Unis ont déployé l’ogive thermonucléaire d’un système de missile antibalistique, à environ 1,5 kilomètre sous la terre d'Amchitka. C’est cet essai nucléaire, documenté notamment ici, ici, ici et ici, que l’on observe dans la vidéo.

L’expérience a causé un choc sismique de magnitude 7 sur l’échelle de Richter, ainsi qu’un soulèvement des terres de l’île de plusieurs mètres. Mais son but premier n’était pas de créer un tremblement de terre. L’essai avait pour objectif de mesurer l'efficacité du système de défense antimissile. Étant donné que la puissance de cette bombe nucléaire était 385 fois supérieure à celle larguée par les Américains sur Hiroshima en 1945, il n'est pas surprenant qu'elle ait secoué le sol de l’île.

Des essais récurrents

Au cours de la guerre froide, les États-Unis et l’ancienne Union soviétique ont procédé à de nombreuses expérimentations de la sorte, dans ce que l’on appelle la course aux armements nucléaires. Les chocs qui suivaient ces essais pouvaient être impressionnants.

L'île d'Amchitka a été le théâtre de trois essais nucléaires américains durant cette période : The Long Shot en 1965, Milrow en 1969 et Cannikin en 1971.

En plus de tester l’efficacité de leur armement nucléaire, ainsi que leur impact sur l'environnement, les États-Unis voulaient savoir s’ils seraient capables de mesurer de façon sismologique la conduite de telles expériences souterraines. Le but était de glaner des informations sur les potentiels essais menés par d'autres pays.

Ces tests ont laissé de nombreux déchets nucléaires à Amchitka, désormais stockés sous la surface rocheuse de l'île. Diverses agences gouvernementales américaines continuent de surveiller le site, et une autorisation officielle est nécessaire pour se rendre sur l'île.

Aucune manipulation américaine

Les tremblements de terre peuvent parfois être la conséquence de l'activité humaine, comme ceux causés par l'extraction de gaz à Groningue, aux Pays-Bas. Ils peuvent aussi intervenir en raison de l'exploitation minière ou de la fracturation hydraulique, mais à une échelle qui n’est pas comparable aux récents séismes en Turquie et en Syrie.

La dpa a précédemment démontré que cette catastrophe était d’origine naturelle, par exemple ici et ici en français, ici en néerlandais ou encore ici en allemand. Une théorie similaire avançant que les tremblements de terre auraient été provoqués par des expériences américaines fait partie des affirmations vérifiées par la dpa.

En outre, il existe depuis 1978 une convention des Nations unies qui interdit l'utilisation de « techniques de modification de l'environnement », telles que la génération de tremblements de terre ou de tsunamis à des fins militaires ou hostiles. Cela ne veut pas dire que la technologie rendait cela possible à l’époque ; le texte visait à prévenir l'éventuel développement de techniques de ce genre dans le futur.

(Situation au 22.02.2023)

Liens

Publication Facebook 1/2 (version archivée)

Publication Facebook 2/2 (version archivée)

Vidéo archivée

Vidéo sur YouTube (version archivée, vidéo archivée)

Amchitka sur Google Maps (version archivée)

À propos de « Cannikin » - MIMA (version archivée)

Article Geophysical Institute Alaska (version archivée)

Article CLUI (version archivée)

Article The National Interest (version archivée)

Fiche du département américain de l'Énergie (version archivée)

« Tsar Bomba » en Russie (version archivée)

Rapport Nuclear Flashback, 1998 (version archivée)

Human-Induced Earthquake Database (version archivée)

Séismes à Groningue (version archivée)

Séismes et exploitation minière (version archivée)

Séismes et fracturation hydraulique (version archivée)

Fact-checks de la dpa III

Fact-check de la dpa - en néerlandais

Fact-check de la dpa - en allemand

Convention de l'ONU 1978 (version archivée)

À propos des fact-checks de la dpa

Ce fact-check a été rédigé dans le cadre du programme indépendant de vérification de Facebook/Meta. Plus d’informations au sujet de ce programme peuvent être trouvées ici. Pour en savoir plus sur la façon dont Facebook/Meta gère les comptes qui diffusent des informations erronées, cliquez ici.

Si vous avez des objections ou des remarques, merci de les envoyer à l'adresse factcheck-belgium@dpa.com en incluant un lien vers la publication Facebook concernée (voir le modèle à utiliser ici).

Pour plus d’informations sur la manière de soumettre une correction ou de contester une évaluation, veuillez vous référer à cette page.