Des images mal interprétées

Un bombardement à Kiev qui a fait de vraies victimes

Publié le 28.10.2022, 16:56 (CEST)

Le fait qu'une femme blessée dans un bombardement à Kiev ait pris un selfie est d'après certains la preuve que cette dernière serait une actrice. Il s'agit pourtant d'une véritable victime.

Ce 10 octobre, une série de bombardements revendiqués par Moscou a touché plusieurs villes d’Ukraine, dont la capitale, faisant des morts et des blessés. Des images d’une femme avec le visage couvert de bandages ont notamment fait le tour des médias. Cependant, une vidéo visionnée des centaines de fois sur les réseaux sociaux, dans laquelle on voit cette femme prendre un selfie, démontrerait que l’évènement a été mis en scène et que les victimes civiles seraient en réalité des acteurs payés par les autorités pour attirer la sympathie.

Évaluation

Si le geste de cette femme peut paraître étrange, il ne prouve pas que celle-ci soit une actrice. Diverses images montrent clairement que ce bombardement a fait des blessés.

Faits

Dans la vidéo, on voit une femme au t-shirt ensanglanté en train de se faire bander le visage par un militaire. Elle semble ensuite prendre un selfie de ses blessures, un acte vu par certains comme la preuve que les scènes de dégâts suivant cette frappe à Kiev auraient été orchestrées.

Les images ont été diffusées le 10 octobre 2022 par une chaîne de télévision allemande russophone, OstWest, dans un reportage faisant état d’un bombardement dans le centre de Kiev. Celles-ci ont ensuite été partagées par différents comptes pro-russes, par exemple ici et ici, cette fois accompagnées de la théorie selon laquelle la femme aux bandages serait une actrice.

Les sous-titres en russe diffèrent légèrement d’une vidéo à l’autre, mais tous indiquent que la femme demande, en ukrainien, à un certain Andrei de prendre une photo d’elle, avant de décider de le faire elle-même et de préciser qu’elle l’enverra « à sa sœur en Russie ».

Mais cela ne signifie pas pour autant que les blessés photographiés sur place sont des acteurs. Les images ont été tournées dans le centre de Kiev, à proximité de la tour 101. Différents reportages ont montré que ce centre d’affaires, qui abritait notamment les locaux de l’entreprise Samsung en Ukraine, a été partiellement détruit par une des frappes qui a touché la capitale.

Des blessures réelles

Le journal français Libération, qui a publié une photo de la femme aux bandages en Une, a interrogé un photographe présent sur place pour l’agence de presse américaine Associated Press (AP), Efrem Lukatsky. Ce dernier, à l’origine de plusieurs clichés de la femme diffusés à travers la presse internationale, explique être aussi l’auteur de la vidéo. La vidéo originale a bien été diffusée par AP le 10 octobre, notamment sur sa chaîne YouTube.

Les personnes visibles dans la vidéo « ont été blessées par des fragments de verre brisé » qui « se sont répandus sur des centaines de mètres autour », a déclaré Efrem Lukatsky auprès de CheckNews, le service de fact-checking de Libération. Sur les photos de la tour 101 après l’impact, on voit en effet que de nombreuses fenêtres du gratte-ciel ont été brisées. « Il y a eu beaucoup de blessés, et quelques morts. J’ai filmé tout ça », a souligné le photographe.

Un autre photographe présent, Oleksandr Khomenko, a assuré à CheckNews que « cette femme voulait juste photographier ses blessures. Elles sont réelles, j’étais très proche d’elle ».

Comme l’a signalé l’agence de presse AFP, la femme a par la suite été identifiée par des médias ukrainiens. Elle a notamment donné une interview à la chaîne de télévision ukrainienne TCH le 12 octobre. Elle y apparaît avec le visage marqué de griffes et d’ecchymoses.

Par ailleurs, de nombreuses images documentent la prise en charge de blessés à cet endroit. C’est le cas par exemple de cette vidéo d’Oleksandr Khomenko. On y voit plusieurs personnes avec le visage ensanglanté, dont la femme aux bandages, se faire soigner. Des secouristes, ainsi que des photojournalistes, sont également présents. D’autres vidéos montrent des gouttes de sang couler des bandages de la femme, ou encore des taches de sang sur les pavés.

Ce n’est pas la première fois que la dpa vérifie des affirmations de ce genre. Des femmes enceintes victimes d’un bombardement dans une maternité de Marioupol en mars 2022 avaient elle aussi été accusées, à tort, d’être des actrices. De nombreuses fake news avaient également circulé au sujet des corps retrouvés dans la ville de Boutcha début avril, comme ici et ici.

(Situation au 28.10.2022)

Liens

Publication Facebook 1/2 (version archivée)

Publication Facebook 2/2 (version archivée)

Vidéo archivée

Bombardements du 10 octobre 2022 (version archivée)

Revendication de Moscou (version archivée)

Reportage d’OstWest (version archivée)

Tweet de Maria Dubovikova (version archivée)

Tweet de Dmitry Polyanskiy (version archivée)

Localisation de la vidéo (version archivée)

Tour 101 (version archivée)

Article de Libération (version archivée)

Fact-check de Libération (version archivée)

Vidéo originale d’AP (version archivéevidéo archivée)

Photo de la tour 101 après impact (version archivée)

Fact-check de l’AFP (version archivée)

Reportage de TCH (version archivéevidéo archivée)

Vidéo d’Oleksandr Khomenko (version archivéevidéo archivée)

Vidéo Getty 1/2 (version archivée)

Vidéo Getty 2/2 (version archivée)

Fact-check de la dpa sur Marioupol

Fact-check de la dpa sur Boutcha 1/2

Fact-check de la dpa sur Boutcha 2/2

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