Un lampadaire « intelligent » détruit par des manifestants à Hong Kong en 2019
12.5.2022, 16:27 (CEST)
À Hong Kong, des gens protestant contre le régime en place détruiraient des « tours de reconnaissance faciale », affirment des internautes sur Facebook (exemple ici), alors que les autorités mettent en place un nouveau système dit de crédit social. Dans une vidéo qui resurgit sur les réseaux sociaux depuis début mai 2022, on voit un groupe de personnes faire tomber un lampadaire avant de le saccager. Mais cette vidéo est-elle actuelle ?
Évaluation
La vidéo date en réalité de 2019. Elle montre des manifestants détruire un lampadaire « intelligent » à Hong Kong. Bien que certains opposants soupçonnaient les autorités d’utiliser ces lampadaires pour établir une surveillance dans la ville, leur but premier n’est pas d’identifier des individus, et ces images ne sont pas actuelles.
Faits
La vidéo partagée sur les réseaux sociaux montre un groupe de personnes, dont certaines tiennent un parapluie, faire tomber un lampadaire avant de le saccager, notamment en le recouvrant de tags ou encore en versant du liquide sur ses câbles électriques.
Les bâtiments visibles dans la vidéo, comme un magasin Ikea, permettent d’établir que la scène se déroule en effet à Hong Kong. Sur des images de Google Street View datant de mars 2022, on s’aperçoit que le lampadaire a été remis en place, et que d’autres installations de la sorte sont présentes à différents endroits de la rue, note France 24.
Reconnaissance faciale et crédit social
Sur Facebook, certains internautes avancent que ces lampadaires sont en réalité des « tours de reconnaissance faciale », et saluent la rébellion des Hongkongais qui détruiraient ces dispositifs. La vidéo censée illustrer ces propos a toutefois été sortie de son contexte.
La Chine développe depuis plusieurs années un système de crédit social, très controversé, qui consiste à garder un œil sur les actions de ses citoyens à travers une surveillance numérique. En fonction de leur comportement, ils peuvent gagner ou perdre des points, ce qui conduit ensuite à l’obtention d’avantages ou au contraire à la perte de certains droits, explique par exemple un reportage de la RTBF. Le gouvernement chinois se base entre autres sur les nombreuses caméras de surveillance dont dispose le pays, beaucoup étant équipées d’un système de reconnaissance faciale.
Ainsi, un automobiliste ivre peut être repéré et signalé aux autorités, ce qui lui fera perdre des points de crédit social. Un « mauvais » citoyen peut faire face à des conséquences telles que des difficultés à obtenir un prêt, poursuit Le Soir. Ce système est en phase de test dans plusieurs villes, y compris dans des métropoles comme Pékin, mais a pour vocation de se généraliser à travers le pays.
Une vidéo de 2019
La vidéo des manifestants détruisant un lampadaire, qui refait surface sur les réseaux sociaux début mai 2022, a pourtant été immortalisée dans un contexte différent. Les images remontent à août 2019, alors que Hong Kong était secouée par des manifestations pro-démocratie qui avaient conduit à de violents affrontements entre forces de l’ordre et militants. Les parapluies, visibles dans la vidéo, sont d’ailleurs un symbole des mouvements de contestation qui ont marqué la ville au fil des ans, servant aux manifestants à la fois de bouclier contre le gaz lacrymogène mais aussi contre les caméras de reconnaissance faciale.
La vidéo avait déjà été publiée le 24 août 2019 sur YouTube. Des images de l’évènement avaient été diffusées le même jour par différents médias, notamment ici et ici. Elle montre des manifestants en train de démolir un lampadaire « intelligent », car ces derniers craignaient que ce dispositif ne serve de logiciel de reconnaissance faciale aux autorités, décrivait la presse à l’époque.
Des lampadaires « intelligents » ?
D’après le gouvernement hongkongais, les lampadaires « intelligents » ont seulement pour but de récolter des données sur le trafic routier, la météo, la qualité de l’air, ou encore de faciliter le déploiement du réseau 5G. Celui-ci assurait en juillet 2019 que la cinquantaine de lampadaires installés dans la ville depuis juin de la même année ne comportaient « aucune fonction de reconnaissance faciale ». Il avait ajouté que, « compte tenu de l'inquiétude du public concernant certaines applications pouvant toucher à la vie privée », des fonctions spécifiques, comme celle permettant d’enregistrer les plaques des voitures, ne seraient pas immédiatement activées.
Mais cela n’avait pas suffi à rassurer tous les habitants, nombre d’entre eux restant septiques face à un gouvernement souvent accusé de manquer de transparence. Des experts interrogés par l’AFP en septembre 2019 s’accordaient pour dire que les lampadaires « intelligents » étaient plus similaires à des caméras de vidéosurveillance qu’à des caméras de reconnaissance faciale, et qu’il n’y avait pas d’indications qu’ils soient utilisés à cette fin. Toutefois, il est toujours possible que des images recueillies par des lampadaires de ce type puissent être utilisées pour identifier des individus, nuançaient-ils.
Toujours selon l’AFP cependant, le lampadaire visible dans la vidéo avec les manifestants n’était pas un modèle équipé d’une caméra. Des détails sur les fonctionnalités et l’utilisation de chaque lampadaire peuvent être consultés ici. Au-delà des 50 lampadaires déjà en place, les autorités prévoient le déploiement de 350 autres de ces installations dans différents quartiers de la ville d’ici 2023.
De nombreux détournements
La vidéo qui circule de nouveau sur les réseaux sociaux n’est donc pas d’actualité. Bien que les manifestants aient détruit le lampadaire en question par crainte d’un système de reconnaissance faciale, ce n’est pas le but affiché de ce dispositif. La reconnaissance faciale est une méthode certes utilisée par les autorités chinoises, mais la vidéo de 2019 s’inscrit dans un contexte différent que celui, plus actuel, de l’instauration d'un système de crédit social.
Cette même vidéo avait déjà été détournée en avril 2020, soit en pleine pandémie de Covid-19. Des internautes suggéraient alors que les lampadaires étaient des tours 5G et que celles-ci auraient été détruites par crainte qu’elles fussent à l’origine de la maladie. Ces allégations avaient été démenties à l’époque, notamment ici et ici.
(État des lieux au 12/05/2022)
Liens
Publication Facebook (version archivée)
Lieu de la vidéo sur Google Street View (version archivée)
Fact-check de France 24 (version archivée)
La RTBF sur le système de crédit social (version archivée)
Le Soir sur le système de crédit social (version archivée)
Le Monde sur les manifestations à Hong Kong en 2019 (version archivée)
Le Soir sur l’utilisation des parapluies à Hong Kong (version archivée)
Vidéo sur YouTube (version archivée)
Vidéo de l’évènement sur ABC News (version archivée)
Photo de l’évènement via l’AFP (version archivée)
Déclaration du gouvernement de Hong Kong juillet 2019 (version archivée)
Le Financial Times sur les inquiétudes liées aux lampadaires intelligents (version archivée)
Fact-check de l’AFP septembre 2019 (version archivée)
Informations individuelles sur les lampadaires (version archivée)
Sur le programme de lampadaires intelligents à Hong Kong (version archivée)
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