La liberté d’expression est un droit reconnu et protégé par l’Union européenne

05.05.2022, 18:06 (CEST)

Dans une publication Facebook (version archivée), un internaute a partagé un article qui traite du rachat de Twitter par Elon Musk. Cet article affirme qu' « avec la prochaine loi DCA de l’UE », Twitter sera obligé de « supprimer les critiques des personnes au pouvoir, les critiques de la politique d’immigration et les critiques des restrictions corona ».

Évaluation

Cet article est faux. Le nouvel accord européen n'interdira pas les critiques. La liberté d’expression est un droit que l’Union européenne défend, à condition néanmoins que celle-ci respecte le droit européen.

Faits

Depuis l’annonce du rachat de Twitter par le milliardaire Elon Musk, nombreux sont ceux qui s'attendent à une plus grande liberté d’expression sur le réseau social. Twitter est souvent critiqué pour sa modération jugée trop sévère par certains. Et depuis qu'il a racheté Twitter, le futur patron du réseau social a affirmé qu’il ferait tout pour que la liberté d’expression soit totalement rétablie. Mais face aux nombreuses critiques, le milliardaire a fait preuve d’un peu plus de prudence et a affirmé qu’il respecterait tout de même la loi.

Dans cette publication Facebook, l’utilisateur a partagé un article de Frontnieuws (un site néerlandophone connu pour diffuser de fausses informations), daté du 27 avril 2022, et qui a pour titre « Twitter pourrait être interdit dans toute l’UE ».

Dès le premier paragraphe, on peut lire que « la Commission européenne interdira Twitter dans toute l’UE si la société dirigée par le nouveau propriétaire Elon Musk autorise la liberté d’expression sur la plateforme. »

C’est faux. La liberté d’expression est un droit qui est protégé au sein de l’Union européenne. Comme l’indiquait en juin 2007, Viviane Reding (membre à l’époque de la Commission européenne et responsable de la société de l’information et des médias) : « Toute personne a le droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques. » Elle rajoute, en outre, que « la liberté d’expression est l’un des droits fondamentaux les plus importants de nos démocraties européennes. Elle est protégée constitutionnellement dans tous les États membres de l’Union. » D'ailleurs en Belgique, c'est l'article 19 de la Constitution qui fait référence au droit à la liberté d'expression. 

Donc dire que l’Union européenne serait contre la liberté d’expression, cela équivaudrait à dire qu’elle est contre un principe qu’elle a elle-même accepté et reconnu. Cet article est donc mensonger. Par contre, le 23 avril 2022, le Parlement et le Conseil européen ont bien conclu un accord politique provisoire sur la législation sur les services numériques, le Digital Service Act (DSA). Cet accord fixe « des normes pour un espace numérique plus sûr pour les utilisateurs. » Ce n'est donc pas un accord contre la liberté d'expression. Elon Musk, contrairement à ce qu'indique cet article, ne devra donc pas « se conformer aux nouvelles règles contre la liberté d'expression que la Commission européeene introduit après un accord avec le Parlement européen. »

Cet article de Frontnieuws s'appuie sur une interview au Financial Times de Therry Breton, commissaire européen au marché intérieur, pour diffuser ses fausses informations. Thierry Breton n'a jamais parlé de « règles contre la liberté d'expression ». Dans cette interview comme dans celle qu'il a accordée à RTL France, le 27 avril 2022, le commissaire européen a été clair. Il a ainsi indiqué qu'avec ce DSA « il y aura des règles qui protègent évidemment la liberté d’expression, qui protègent les individus, qui protègent notre démocratie, qui luttent contre les discours haineux. » Et ces règles s’imposeront à toutes les plateformes (qu’elles soient américaines, asiatiques ou même européennes) qui opèrent sur le sol européen.

Le commissaire européen explique, en outre, que si ces règles ne sont pas respectées alors il y aura des sanctions. Il parle d’amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial de la plateforme concernée. Et si cela ne suffit pas, si cette même plateforme viole plusieurs fois le droit européen, alors là et seulement à ce moment-là, la plateforme pourrait être interdite au sein de l’Union européenne.

En résumé, pour Thierry Breton, « tout ce qui est autorisé dans la vie réelle continuera à l’être dans la vie numérique. Mais tout ce qui est interdit dans la vie réelle, le sera désormais également dans la vie numérique ! » Autrement dit, en cas de discours haineux, de pédopornographie, d’incitation à la haine raciale, de cyberharcèlement, d’appels au terrorisme, ou encore de revenge porn, l’anonymat ne sera plus garanti aux personnes qui commettent ce type d’infractions, et il pourrait même y avoir des poursuites pénales. Thierry Breton affirme qu’avec ce nouvel accord européen, il n’y aura plus de zone de non-droit sur internet.

Par contre, contrairement à ce qu’affirme l’article de Frontnieuws, les critiques « des personnes au pouvoir, les critiques de la politique d’immigration et les critiques des restrictions corona » ne seront pas du tout supprimées. En tout cas, pas tant qu’elles respectent le droit européen. Et c'est justement l'objectif poursuivi par le DSA. Ces critiques ne devront, par exemple, pas être insultantes. Tout le monde a le droit de donner son avis, un principe qui fait référence à la liberté d’expression. Tant que cela reste, on l’aura bien compris, dans le cadre de la loi.

Ce n’est pas la première fois qu'un article de Frontnieuws fait l’objet d’un fact-check de la part de la dpa. Cela a déjà été le cas ici, ici ou encore ici.

(État des lieux au 05/05/2022)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Tweet Elon Musk I (version archivée)

Tweet Elon Musk II (version archivée)

Article Frontnieuws (version archivée)

Informations Viviane Reding (version archivée)

Propos Viviane Reding (version archivée)

Constitution belge (version archivée)

Financial Times (version archivée)

Interview RTL (version archivée)

Détails sur le DSA (version archivée)

Factcheck dpa I

Factcheck dpa II

Factcheck dpa III

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