La plupart de ces photos montrant une place dévastée à Kiev datent de 2014

Des photos montrant une place de la ville de Kiev dévastée, avec des colonnes de fumée s’élevant des bâtiments, sont largement partagées sur les réseaux sociaux – notamment ici en Belgique. Selon certaines publications datant du 2 mars 2022, les soldats russes et tchétchènes seraient entrés dans la capitale ukrainienne. Ce genre de posts circule aussi beaucoup en Afrique (par exemple ici et ici), reliant toujours ces images aux combats qui font rage en Ukraine depuis le début de l’offensive russe le 24 février dernier.

Évaluation

Sur ces quatre photos, trois ont été prises en 2014, lors de la révolution de Maïdan qui a vu le soulèvement de manifestants pro-européens. Une seule photo illustre bien la situation actuelle en Ukraine. Les autres ont été sorties de leur contexte.

Faits

Les publications Facebook reprennent une série de quatre photos. On y voit la place Maïdan, la place de l’Indépendance de Kiev, détruite et parsemée de colonnes de fumée par endroits.

« Les traces de Vladimir Poutine en Ukraine », commentent certains internautes en légende de ces photos. D’autres affirment que les soldats russes et tchétchènes sont entrés dans la capitale ukrainienne et que « les bombardements se sont intensifiés » dans la nuit du 1er mars, transformant la ville de Kiev en un véritable « champ de bataille ».

Pourtant, la majorité de ces photos ne reflètent pas l'actualité. Trois d’entre elles datent en fait de février 2014, époque où la révolution dite de Maïdan a éclaté dans le pays. Des centaines de milliers de manifestants pro-européens s’étaient réunis place de l’Indépendance pour protester contre la décision de l’ancien président Viktor Ianoukovitch de suspendre l’accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne, au profit de la coopération avec Moscou.

Ce mouvement de protestation, violemment réprimé par le pouvoir, a finalement conduit à la destitution de Viktor Ianoukovitch, mais aussi à l’annexion de la Crimée par la Russie et à l'auto-proclamation des « républiques populaires » de Donetsk et de Lougansk, soutenues par le Kremlin.

Malgré la signature des accords de Minsk entre Kiev et Moscou, les combats dans l’est de l’Ukraine se sont poursuivis. Les Nations unies estiment que le conflit a coûté la vie à plus de 14 000 personnes entre avril 2014 et décembre 2021.

Trois des images partagées sur Facebook ont été immortalisées dans ce contexte. En faisant une recherche d’image inversée, on s’aperçoit que la première photo, qui montre une partie de la place Maïdan envahie par la fumée, illustrait déjà un article relayé par le média français L’Express en février 2014. La personne créditée est le photographe de Reuters Vasily Fedosenko, qui a couvert pour l’agence les évènements intervenus à Kiev cette année-là.

Une autre photo, qui laisse voir des manifestants au cœur de la place Maïdan, a elle aussi été utilisée par L’Express en février 2014. On la retrouve également à la même période sur d’autres sites d’information anglophones, comme ici et ici. Le cliché a été pris le 20 février 2014 par une photographe de l’AFP, Louisa Gouliamaki.

La troisième photo, en prise de vue plus large de la place Maïdan, peut quant à elle être retrouvée sur la banque d’images russe Sputnik Images. Elle date du 19 février 2014 et montre des affrontements entre manifestants et policiers. Le photographe crédité est Andrey Stenin. À l’instar des deux autres, cette photo était aussi apparue sur le site d’autres médias à l’époque.

Il n’y a finalement que la quatrième image, celle d’un bâtiment avec une colonne de fumée en fond, qui est d’actualité. Le cliché a été photographié le 26 février 2022 par Gleb Garanich pour l’agence Reuters et peut être vu dans plusieurs articles de presse de ce jour-là (exemples ici et ici).

Le vrai du faux autour de la présence de troupes tchétchènes en Ukraine, envoyées en soutien à la Russie, a déjà fait l’objet d’une vérification de CheckNews, le service de fact-checking de Libération. Quant à la capitale ukrainienne, elle n’est pour le moment pas tombée aux mains des forces russes.

(État des lieux au 04/03/2022)