Un vaccin-test contre le Covid-19 en Australie qui n’a jamais été commercialisé

21.02.2022, 18:16 (CET)

En Australie, 50 millions de doses de vaccin contre le Covid-19 auraient été rappelées car l’administration de celles-ci aurait déclenché des résultats faussement positifs au VIH. Cette affirmation circule depuis la mi-février sur les réseaux sociaux. Certaines publications suggèrent également que les personnes concernées auraient réellement contracté le VIH après leur vaccination. À l’appui, l’extrait d’un reportage diffusé par une chaîne australienne.

Évaluation

Le reportage en question date de décembre 2020 et concerne un candidat-vaccin contre le Covid-19 qui n’a finalement pas été distribué au grand public. Celui-ci faisait l’objet d’une étude clinique en Australie, abandonnée après des tests faussement positifs au VIH chez quelque 200 participants. Ceux-ci n’ont pas réellement contracté le VIH à cause de leur vaccination, et les 50 millions de doses évoquées n’ont pas été rappelées du marché, puisque ce vaccin n’a jamais été commercialisé.

Faits

Le reportage partagé sur Facebook provient de la chaîne d’information australienne 7NEWS. Hors contexte, on pourrait penser que les évènements rapportés sont récents. Ce reportage remonte pourtant à décembre 2020. Il porte sur l’arrêt, à l’époque, de l’étude clinique d’un potentiel vaccin contre le Covid-19, développé par l’Université du Queensland et la société australienne de biotechnologies CSL.

Le reportage explique que l’étude a finalement été abandonnée, en raison de faux positifs au VIH, le virus à l'origine du sida, entraînés par la vaccination. La technologie utilisée pour ce candidat-vaccin consistait en un clamp moléculaire, qui agissait comme une sorte de pince, d’une protéine du VIH. Celle-ci venait entourer et stabiliser la protéine de pointe (Spike) du SARS-CoV-2, le virus qui provoque le Covid-19. C’est cette technique qui a déclenché des tests faussement positifs au VIH. D’autres tests ont permis d’établir qu’aucun des candidats n’était réellement infecté.

Un déploiement qui n’a jamais eu lieu

À l’époque de cet abandon, le candidat-vaccin de l’Université du Queensland était seulement en phase 1 de l’étude clinique, c’est-à-dire la première phase de tests chez des sujets humains. Il n’a donc jamais été commercialisé au sein de la population générale. Seuls 216 volontaires l’ont reçu.

La formulation « 50 millions de doses de vaccin rappelées » vue sur Facebook porte ainsi à confusion. Cela laisse entendre que ces doses étaient disponibles sur le marché et viennent d’en être retirées. Mais ce n’est pas le cas, puisque ce candidat-vaccin n’a jamais été déployé.

Même si celui-ci ne causait pas d’infection réelle au VIH, il a été jugé préférable de ne pas poursuivre son développement. Cela était principalement dû à la peur de voir une méfiance se créer vis-à-vis de ce vaccin, peut-on entendre dire le ministre australien de la Santé Greg Hunt dans le reportage de 7NEWS. S’il avait été mis à la disposition de tous, d'éventuels faux positifs au VIH auraient aussi pu causer des frayeurs inutiles à de nombreuses personnes.

C’est donc la commande prévoyant la production de 51 millions de doses de ce candidat-vaccin faite par le gouvernement australien qui a été annulée. À l’époque, plusieurs vaccins étaient en cours de développement, avec l’espoir que certains montrent des résultats assez concluants pour être commercialisés. Les différents gouvernements devaient donc conclure des contrats assez tôt pour s’assurer un approvisionnement suffisant au moment venu, sans savoir si ces produits seraient au final approuvés, ni à quelle vitesse.

En Australie, l’argent qui devait servir à acheter des doses du vaccin de l’Université du Queensland a à la place été investi dans des doses supplémentaires des vaccins d’AstraZeneca et de Novavax. C’est d’ailleurs ce qui est expliqué à la fin du reportage de 7NEWS, mais ce passage a été retiré de la version qui circule sur Facebook.

De fausses idées sur les vaccins et le VIH

Le clamp moléculaire développé pour ce candidat-vaccin utilisait des fragments d’une protéine du VIH (virus de l'immunodéficience humaine). Cela a provoqué la production d’anticorps qui ont ensuite été détectés dans des tests de dépistage au virus.

Toutefois, il n’existait « aucune possibilité que le vaccin provoque une infection » au VIH, avait déclaré l’Université du Queensland dans un communiqué le 11 décembre 2020. Des tests de suivi ont d’ailleurs « confirmé qu'il n'y avait pas de virus VIH présent » chez les participants, avait souligné l’établissement.

Dans un article de la revue scientifique Nature, les chercheurs impliqués ont précisé que l’apparition de résultats faussement positifs au VIH avait toujours été un risque. Cependant, « les tests de diagnostic du VIH ne détectent que les anticorps humains », avaient-ils indiqué. Il a donc fallu attendre la première phase de tests sur des humains pour en avoir le cœur net. Les participants à l’étude clinique avaient été informés de cette possibilité à l’avance.

Ce type de vaccins, dit « sous-unitaire », n’utilise que des parties spécifiques d’un virus, comme des protéines, que le système immunitaire doit reconnaître. Cette technologie est notamment celle du vaccin anti-Covid de Novavax, récemment autorisé au sein de l’Union européenne.

Cependant, aucun des vaccins contre le Covid-19 actuellement approuvés dans le monde « n’inclut des séquences ou des matériaux dérivés du VIH », rappelait récemment Keith Chappell, l’un des scientifiques impliqués dans le développement du candidat-vaccin australien, auprès de 20 Minutes.

L’idée selon laquelle les vaccins contre le Covid-19 pourraient causer le sida revient régulièrement sur les réseaux sociaux. Elle a pourtant été démentie à plusieurs reprises (exemples ici et ici).

Selon certains posts plus récents, le professeur Luc Montagnier – co-découvreur du virus du sida décédé il y a peu et connu pour ses déclarations controversées – aurait suggéré que les personnes ayant reçu une dose booster de vaccin devraient aller se faire dépister pour le VIH. L’agence de presse Reuters, qui a enquêté sur la question, n’a pas trouvé de preuve démontrant que le scientifique français a bel et bien tenu ces propos. Plusieurs experts interrogés par l'agence ont également affirmé qu’il était impossible que les vaccins contre le Covid-19 puissent causer le sida.

(État des lieux au 21/02/2022)

Liens

Publication Facebook (version archivée)

Vidéo archivée

Reportage de 7NEWS (version archivée)

Article de la dpa sur la protéine Spike

Communiqué de l’Université du Queensland (version archivée)

Explications sur l’échec du candidat-vaccin (version archivée)

Contrat avec l’Université du Queensland (version archivée)

Sur les contrats conclus en Australie (version archivée)

Article de Nature sur la technique utilisée (version archivée)

À propos des types de vaccins (version archivée)

À propos du vaccin de Novavax (version archivée)

Article de 20 Minutes (version archivée)

Fact-check d’USA Today sur les vaccins et le VIH (version archivée)

Fact-check d’AP sur les vaccins et le VIH (version archivée)

À propos de Luc Montagnier (version archivée)

Fact-check de Reuters et le VIH (version archivée)

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