L'ivermectine n'a pas éradiqué le coronavirus dans l'État indien d'Uttar Pradesh

Un utilisateur Facebook prétend qu'Uttar Pradesh, l'État le plus peuplé d'Inde, est à présent exempt de cas de COVID-19. Le pays aurait éradiqué le virus grâce à « l’utilisation généralisée de l’ivermectine », un médicament qui serait « sûr » et « prouvé ».

Évaluation :

Il existe toujours des cas de Covid-19 dans l'État d'Uttar Pradesh, il n’est pas exempt de coronavirus. L’utilisation de l’ivermectine dans le traitement de la maladie n’y a pas non plus été généralisée et n’y est même plus recommandée.

Faits :

LA SITUATION ÉPIDÉMIQUE EN INDE

La campagne de vaccination en Inde a débuté en janvier 2021 et progresse lentement. Depuis, plus de 275 000 000 personnes ont pu être complètement vaccinées. Mais dans un pays de plus d’un milliard d’habitants, ce chiffre ne représente que 20 % de la population. Bien que l'Inde produise et exporte des vaccins en masse, elle a elle-même connu les pénuries de doses.

En outre, les soins de santé y sont rudimentaires en raison d'un manque de fonds pendant de longues années. Le gouvernement indien ne consacre que 1 % de son PIB aux soins de santé, l'un des chiffres les plus bas au monde. À titre d'illustration, en 2018, l'Inde a dépensé 73 dollars par personne en soins de santé, contre une moyenne mondiale de 1 110 dollars. La grave pénurie de lits d'hôpitaux et d'oxygène pour traiter les personnes atteintes de COVID-19 en témoignent.

L'État d'Uttar Pradesh se situe au nord de l'Inde, à la frontière du Népal. C'est la région la plus peuplée, et en terme de superficie, le quatrième plus grand État du pays. Le nombre de cas de coronavirus y est en baisse constante depuis quelques semaines. Un peu plus de la moitié des districts sont actuellement exempts de cas de COVID-19 (en date du 15.10.2021).

L’IVERMECTINE

William Campbell et Satoshi Omura ont obtenu le prix nobel de la médecine en 2015, entre autres pour avoir découvert l’ivermectine en 1975. L’ivermectine a été conçue et d’abord été utilisée pour soigner des infections parasitaires chez les animaux. Le médicament est souvent utilisée en médecine vétérinaire, comme par exemple pour soigner les parasites intestinaux des chevaux.

L’utilisation de l’ivermectine dans la lutte contre le COVID-19 a été mentionnée pour la première fois par les scientifiques dans une étude de novembre 2020. Republiée en juillet 2021 par EMBO Molecular Medicine elle s'appuie sur des essais menés en laboratoire sur des hamsters infectés par le nouveau coronavirus. Il ne s’agissait pas là d'une preuve que l’ivermectine pourrait agir dans la vie réelle sur le virus dans le corps humain.

Différentes études, comme la meta-analyse publiée dans le Clinical Infectious Diseases Oxford Academic en juin 2021, confirme qu’il n’existe aucune preuve des vertus du médicament contre le COVID-19 : « l’ivermectine n'a pas réduit le taux de mortalité, la longueur des séjours en hôpitaux ou la clairance virale chez les patients atteints d’une forme atténuée du virus. Elle n'a pas agi sur les effets indésirables ou les effets indésirables sévères et n’est pas une option viable pour traiter les patients atteints du coronavirus ».

BMJ Evidence-Based Medicine a publié un article sur les erreurs et preuves trompeuses avancées par les études qui concluent que l’ivermectine aurait des effets bénéfiques dans le traitement contre le coronavirus. Il n’existe aucune preuve que le médicament ait une quelconque influence sur le virus et ses symptômes.

DES RECOMMANDATIONS CORRIGÉES

Fin avril 2021, le Ministère indien de la Santé avait ajouté l’ivermectine dans ses recommandations officielles en cas de symptômes légers. Le médicament apparaissait aux cotés de l’hydroxychloroquine sous la mention « thérapies basées sur un bas degré de certitude ». Quelques semaines plus tard, le ministère rectifiait cette recommandation et retirait le nom des deux médicaments, comme on peut le voir sur cette version actualisée du document.

Comme l’explique le média local India Today, ces recommandations avait été émises pour la première fois en Inde lors d’une rencontre de l’All India Institute of Medical Sciences (AIIMS) et de l’ICMR national task force contre le Covid-19 et le Joint Monitoring Group en aout 2020. Entre temps, l’Agence européenne des médicaments (AEM) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont officiellement déconseillé l’utilisation de l’ivermectine comme traitement contre le coronavirus.

LES RAISONS DE LA BAISSE DU NOMBRE DE CAS

Une des raisons qui provoque l’engouement de certains internautes relatif à l’ivermectine est le pic d’infections en Inde et son déclin soudain autour du 8 mai 2021. Ce pic coïncide avec la recommandation du Ministère de la Santé indien, qui a eu lieu fin avril. Cependant, le Ministère indien de l’Intérieur avait également prononcé de grandes restrictions, afin de ralentir la propagation du virus. Celles-ci concernaient un dépistage intensifié, le port du masque et introduisait un confinement.

La publication Facebook met en corrélation l’utilisation de l’ivermectine avec la baisse du nombre de personnes infectées par le virus. Cependant, comme le souligne un article du site Health Feedback, même dans la recommandation du Ministère de la Santé, l’ivermectine était conseillée en tant que traitement contre le virus et ses symptômes - il ne s’agissait pas d’un produit préventif ou visant à réduire le taux de contamination. Même l’étude prônant les vertus de l’ivermectine sur les hamsters, ne relate que des effets sur l’état inflammatoire, en particulier dans le système respiratoire, mais « aucun impact sur la charge virale Sars-Cov-2 (...) ».

En ce qui concerne l'État d'Uttar Pradesh, il n'a pas seulement été soumis à des restrictions, il est un des États indiens les plus actifs dans sa campagne de vaccination. Comme l'indique le site du gouvernement indien, 117 485 221 doses y ont été administrées. Avec 25 483 124 persones entièrement vaccinées (en date du 15.10.2021), Uttar Pradesh est en deuxième position parmi les États indiens. Selon une déclaration gouvernementale officielle relatée dans le journal local Times of India, ceci correspondait début octobre à environ 15 % des habitants de l'État.

Il n’y a donc jamais eu « d’utilisation généralisée » de l’ivermectine ni en Inde, ni dans l'État d'Uttar Pradesh, seulement une recommandation officielle, qui a cependant été rapidement révisée. Meme si la tendance est positive, Uttar Pradesh n’est pas exempt de cas COVID-19, seuls un peu plus de la moitié de ses districts n'ont plus de cas confirmés. L’ivermectine n’y est cependant pour rien, car il n’existe aucune preuve que le médicament protège contre le virus, ni même qu’il influe de manière positive sur le virus et ses symptômes.

(État des lieux au 15.10.2021)