Une mauvaise interprétation des données de l’OMS sur les effets indésirables suspectés des vaccins
1.10.2021, 11:54 (CEST)
Plus d’un million d’effets secondaires dus à l’utilisation des vaccins contre le Covid-19 en Europe auraient été reconnus par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), titre un article partagé sur Facebook (archivé ici). L’article dit s’appuyer sur les chiffres d’une base de données de l’OMS.
Évaluation
Cet article est trompeur. La base de données en question regroupe des signalements d’effets secondaires soupçonnés lors de l’utilisation de médicaments. Elle ne permet pas d’établir s’il existe un lien avéré entre un effet indésirable suspecté et un médicament spécifique. Cet avertissement est d’ailleurs précisé sur la page d’accueil de la base de données.
Faits
L’article se réfère à la plateforme VigiAccess. Lancée en 2015, celle-ci donne accès au public aux statistiques générales de VigiBase, la base de données mondiale de l'OMS sur les effets secondaires potentiels liés à l’utilisation de médicaments, opérée par le Centre de surveillance d'Uppsala. Les chiffres repris dans VigiAccess sont issus de signalements effectués par les centres nationaux de pharmacovigilance ou les autorités nationales de réglementation pharmaceutique membres du Programme international de l'OMS pour la pharmacovigilance.
VigiAccess permet donc de voir des effets indésirables suspectés, et non avérés comme résultant de la vaccination. Cela est écrit très clairement sur la page d’accueil de la plateforme : « VigiAccess est conçu comme un point de départ utile pour les personnes qui souhaitent mieux comprendre les types d'effets secondaires potentiels qui ont été rapportés en association avec l'utilisation de médicaments. Cependant, VigiAccess ne peut pas être utilisé pour déduire un lien confirmé entre un effet secondaire suspecté et un médicament spécifique. »
« Les informations sur ce site web concernent les effets secondaires potentiels ; c'est-à-dire les symptômes et autres circonstances qui ont été observés à la suite de l'utilisation d'un médicament, mais qui peuvent être ou ne pas être liés à ou causés par ce produit », peut-on également lire sur la page d’accueil.
C’est pourquoi les informations contenues dans VigiAccess « ne doivent pas être interprétées comme signifiant que le médicament ou sa substance active a provoqué l'effet observé ou est dangereux à utiliser ».
Dire que l’OMS a « reconnu » que les vaccins contre le Covid-19 ont causé plus d’un million d’effets secondaires est donc faux. L’article arrive à ce constat en cherchant dans la base de données « Covid-19 vaccine », puis en allant sous l’onglet « distribution géographique ». Pour l’Europe, dans la catégorie « décompte », on voit le nombre de 1 085 278 en date du 30 septembre 2021, pour l’ensemble des vaccins utilisés sur le continent. Dans l’article, qui date du 27 septembre, ce décompte s’établissait à 1 074 200.
Sauf que, de nouveau, on parle ici de signalements d’effets indésirables suspectés. Cela ne veut donc pas dire que plus d’un million d’effets secondaires ont été entraînés par l’utilisation des vaccins contre le Covid-19 en Europe.
La page d’accueil de VigiAccess souligne en effet que « confirmer un lien de causalité est un processus complexe qui nécessite une évaluation scientifique approfondie et détaillée de toutes les données disponibles ». Les informations du site « ne reflètent donc aucun lien confirmé entre un médicament et un effet secondaire ».
L’article mentionne aussi les chiffres de l'Agence française de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Dans son dernier rapport de suivi des cas d’effets indésirables des vaccins contre le Covid-19, l’ANSM fait état de 90 236 cas (« graves et non graves ») depuis le début de la vaccination jusqu’au 16 septembre 2021.
Ce que l’auteur de l’article partagé sur Facebook ne précise pas, c’est que 75 % de ces cas sont classés comme « non graves ». Dans tous les cas, les données de l’ANSM et de VigiAccess sont difficilement comparables.
L’auteur de l’article écrit par ailleurs que, « officiellement, le vaccin nous délivre de la maladie et se révèle parfaitement sûr ». Pourtant, l’OMS précise sur son site que, même si les vaccins contre le Covid-19 sont « très efficaces, en particulier contre l’hospitalisation et les formes graves de la maladie, aucun vaccin ne protège à 100 % ». Par conséquent, « un faible pourcentage de personnes vaccinées contracteront tout de même » la maladie, ajoute l’agence onusienne.
Les autorités sanitaires ne présentent pas non plus la vaccination comme totalement sûre. Développer un effet secondaire suite à la vaccination n’est pas impossible. Il peut s’agir d’un effet bénin à court terme, comme de la fièvre. Des effets plus graves et plus durables peuvent aussi se produire mais ceux-ci sont « extrêmement rares », explique l’OMS.
En Europe par exemple, suite à des signalements de caillots sanguins après l’utilisation des vaccins d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a adapté ses recommandations pour ces produits, notamment en proposant d'ajouter ces effets possibles dans les notices. Il en a été de même pour les vaccins de Pfizer/BioNTech et Moderna, suite à des rares cas de myocardite et péricardite. Ce qui pèse ici, c’est la balance bénéfices/risques. L’EMA a ainsi jugé que les avantages globaux de ces vaccins dans la prévention du Covid-19 l'emportent sur les risques d'effets secondaires.
(État des lieux au 30/09/2021)
Liens
Publication Facebook (archivé)
À propos de VigiBase (archivé)
À propos du Programme international de l'OMS pour la pharmacovigilance (archivé)
Suivi des vaccins par l’ANSM (archivé)
L’OMS sur la sécurité des vaccins anti-Covid (archivé)
L’EMA sur les cas de caillots sanguins et AstraZeneca (archivé)
L’EMA sur les cas de caillots sanguins et Johnson & Johnson (archivé)
L’EMA sur les cas myocardite et péricardite avec Pfizer et Moderna (archivé)
L’EMA sur la balance bénéfices/risques du vaccin d’AstraZeneca (archivé)
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