Des chiffres à la fiabilité incertaine sur les décès post-vaccination aux Pays-Bas

Une commission d’enquête aux Pays-Bas aurait mis en place une ligne d’assistance téléphonique pour permettre à la population de signaler les décès dus à la vaccination contre le Covid-19. Ces signalements seraient trois fois plus élevés que les chiffres officiels, titre un article partagé par un internaute sur Facebook (archivé ici).

Évaluation

Cette affirmation manque de contexte. Le comité concerné est une initiative citoyenne, sans lien avec le gouvernement néerlandais. La méthode utilisée par ce comité pour comptabiliser les décès post-vaccination est incertaine, et n’a pas encore pu être vérifiée par les autorités sanitaires du pays.

Faits

L’article d’origine, qui est en allemand, a été publié le 23 août 2021 sur un site suisse appelé « Uncut-News ». Le titre visible sur la capture d’écran partagée sur Facebook, qui est là en français, semble être issu d’une traduction automatique.

La « commission d’enquête » à laquelle fait référence l’article est la Buitenparlementaire Onderzoekscommissie 2020 (BPOC2020), un Comité néerlandais d’enquête extraparlementaire, c’est-à-dire extérieur au Parlement. Sans contexte, ce nom – et par extension la publication Facebook – peut sembler très officiel.

Le BPOC2020 est en réalité une initiative citoyenne, et n’a donc pas de lien avec les autorités néerlandaises. Sur son site, le comité met d’ailleurs cette « indépendance » en avant et explique avoir pour ambition d’enquêter sur les mesures prises par le gouvernement néerlandais dans le cadre de la pandémie de Covid-19.

Le BPOC2020 affiche une position très critique vis-à-vis de la politique liée à la lutte contre le Covid-19 aux Pays-Bas. Début août, ils ont demandé au ministre de la Santé publique Hugo de Jonge d’arrêter « immédiatement » la campagne de vaccination dans le pays, sous peine d’intenter une action en justice.

Le groupe a récemment lancé une plateforme permettant aux citoyens néerlandais de signaler des effets secondaires ou des décès intervenus après une vaccination contre le Covid-19, appelée « Meldpunt Vaccinatie ». Cette initiative s’affiche en réponse à la « préoccupation » du BPOC2020 quant à la manière dont les autorités sanitaires comptabilisent ces signalements. Le BPOC2020 affirme ainsi avoir enregistré un nombre de signalements de décès post-vaccination trois fois plus élevé que celui de Lareb, le centre chargé d'identifier les risques liés à l'utilisation des médicaments aux Pays-Bas.

Effectivement, selon le dernier comptage du BPOC2020 en date du 7 septembre 2021, 1677 décès suivant une vaccination auraient été signalés, contre 514 décès qui seraient potentiellement liés aux vaccins selon Lareb, en date du 29 août 2021.

Seulement, les méthodes du BPOC2020 restent floues. Le groupe explique que les chiffres repris sur le site « Meldpunt Vaccinatie » correspondent aux signalements qu'il a enregistrés. « Il s'agit ici de signalements contrôlés : il y a eu un contact téléphonique avec toutes ces personnes (…) Après une vérification téléphonique de votre signalement, vous aurez accès à un questionnaire détaillé élaboré par des experts. Ces experts évaluent votre signalement », peut-on lire sur le site.

Le BPOC2020 ne donne pas plus d’informations sur les experts en question. Dans la liste des membres du « Conseil consultatif » du BPOC2020, on ne retrouve que quatre noms précédés du titre « Dr. » – dont une psychiatre et un professeur émérite en communication internationale. Les déclarations de Pierre Capel, un professeur émérite en immunologie qui figure également sur la liste, ont déjà fait l'objet d'une vérification de la dpa aux Pays-Bas.

Un autre aspect manque de clarté : les chiffres relayés par le BPOC2020 sont-ils des signalements de décès qui pourraient être liés à la vaccination, ou bien des décès dont la cause avérée est, selon eux, un vaccin anti-Covid ?

« Je ne sais rien de la qualité de leurs données ou de la façon dont ils les analysent », a déclaré à la dpa Eugène van Puijenbroek, pharmacologue et responsable du département Science et Recherche de Lareb. La question est selon lui de savoir si le BPOC2020 mène une enquête après chaque signalement, et si oui de quelle manière. Une rencontre entre des représentants de Lareb et du BPOC2020 est prévue.

Eugène van Puijenbroek rappelle également qu’un signalement de décès suite à une vaccination contre le Covid-19 enregistré chez Lareb ne veut pas forcément dire que ces décès ont été causés par les vaccins. Après un signalement, les experts de Lareb, à savoir des médecins et des pharmaciens, lancent un examen pour déterminer s’il y a oui ou non un lien entre le décès et la vaccination. Dans la grande majorité des cas, aucun lien n’a pu être établi, explique Eugène van Puijenbroek, qui précise par ailleurs que la plupart des cas signalés concernent des personnes qui présentaient des pathologies préexistantes.

Sans contexte, l’affirmation selon laquelle « une commission d’enquête » a mis en place une ligne d’assistance téléphonique aux Pays-Bas « pour les décès dus au vaccin Covid » peut porter à confusion. Le BPOC2020 reste une initiative citoyenne assez marginale.

Le président du BPOC2020, affiché sur le site sous le nom de Pieter Kuit, est lui aussi une source d’interrogations. Apparemment pasteur (ici et ici), Pieter Kuit se présente parfois en tant que Pedro Kuit (ici et ici). D’après le quotidien néerlandais Algemeen Dagblad, Pedro Kuit et sa fille Jade Kuit – un nom qui est également présent parmi les membres du BPOC2020 – ont déjà déposé des plaintes par le passé à l’encontre du Premier ministre Mark Rutte et d’Hugo de Jonge au sujet de leur politique liée à la pandémie.

Le BPOC2020 s’est notamment attiré les foudres du virologue belge Marc Van Ranst sur Twitter, qui a dénoncé à plusieurs reprises les « mensonges » et les inconsistances du groupe (par exemple ici, ici et ici).

(État des lieux au 07/09/2021)