L’oxyde de graphène absent des vaccins contre le Covid-19

06.08.2021, 17:32 (CEST)

Les vaccins contre le Covid-19 contiendraient-ils de l’oxyde de graphène ? C’est ce qu’aurait révélé une ancienne employée de Pfizer dans une émission américaine. Des chercheurs espagnols auraient aussi découvert que les vaccins de Pfizer et d’AstraZeneca seraient en grande partie constitués de cette substance toxique pour les humains, selon un article relayé par un utilisateur Facebook (archivé ici et ici) dans un groupe belge.

Évaluation

C’est faux. L’oxyde de graphène n’apparaît sur aucune des listes ou notices répertoriant les composants des vaccins contre le Covid-19 homologués en Europe et aux États-Unis. Le rapport d’un chercheur espagnol sur la présence d’oxyde de graphène dans une fiole supposée du vaccin de Pfizer possède de nombreuses failles, l’auteur précisant lui-même que l’origine du produit analysé est inconnue.

Faits

Les listes des composants des vaccins développés contre le Covid-19 sont accessibles au public. L’oxyde de graphène, un nanomatériau, ne figure pas dans ces listes. Celles-ci peuvent notamment être consultées dans les documents de « caractéristiques du produit » de l’Agence européenne des médicaments (EMA) pour les quatre vaccins autorisés par l’Union européenne – à savoir Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca/Oxford et Johnson & Johnson (dans la section « Contenu de l’emballage et autres informations »).

Une explication générale concernant le contenu des vaccins figure aussi sur le site de l’Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé (AFMPS).

L’article partagé sur Facebook, publié le 1er août 2021, reprend les propos formulés par Karen Kingston, qui se présente comme une ancienne employée du géant pharmaceutique Pfizer, dans l’émission américaine The Stew Peters Show le 28 juillet 2021.

Selon Karen Kingston, l’oxyde de graphène ne serait pas mentionné dans les brevets des vaccins contre le Covid-19 car cette substance serait toxique pour les humains. Les particules d’oxyde de graphène pourraient également être « activées par un champ radioélectrique » et donc provoquer la mort des gens ayant été vaccinés, écrit l’article qui résume ses propos.

À l’instar de tout vaccin, ceux contre le Covid-19 ont été contrôlés avec soin par les différentes autorités compétentes (l’EMA dans l’Union européenne et la Food and Drug Administration ou FDA aux États-Unis) avant d’être approuvés pour une mise sur le marché. Toutes les données sont analysées par des scientifiques indépendants, des tests rigoureux sont effectués, ainsi que des contrôles supplémentaires par un laboratoire officiel. Dissimuler un ingrédient composant un vaccin ou un médicament au public ne ferait que nuire à la réputation et à la fiabilité de ces organismes.

Face à la multiplication des posts en ligne au sujet de l’oxyde de graphène, plusieurs experts ont réfuté la possibilité que cette substance soit présente dans les vaccins. Un point majeur soulevé par les scientifiques, comme ici sur Twitter ou ici dans un fact-check de l’AFP, est que la présence d’oxyde de graphène rendrait la couleur des vaccins sombre, alors que leur liquide est généralement transparent.

Synthétisé pour la première fois en 2004, le graphène est issu du graphite. Ses applications font toujours l’objet de nombreuses recherches, notamment dans le domaine biomédical, comme par exemple pour administrer un médicament à une partie spécifique du corps. Si des recherches existent sur la potentielle utilisation de l’oxyde de graphène dans les vaccins à l’avenir (notamment ici et ici), celles-ci en sont encore à un stade très expérimental. De plus, les quantités d’oxyde de graphène qui seraient utilisées dans ce cadre ne seraient pas toxiques pour les humains, a déclaré un spécialiste des maladies infectieuses de l’Université américaine Johns Hopkins à l’agence AP.

Des porte-paroles de Pfizer ont également confirmé que l’oxyde de graphène n’est pas utilisé dans la fabrication du vaccin auprès de plusieurs organisations de fact-checking, dont Full Fact, AP et l'AFP.

Un rapport espagnol aux nombreuses faiblesses

Un rapport intermédiaire en date du 28 juin 2021 a alimenté beaucoup de fausses rumeurs au sujet de l’oxyde de graphène et des vaccins contre le Covid-19 sur les réseaux sociaux. Son auteur, Pablo Campra Madrid, est professeur à l’Université espagnole d’Almeria et spécialisé en Technologie alimentaire.

L'analyse du professeur a porté sur un échantillon d’un flacon étiqueté avec la mention « Comirnaty », le nom de marque du vaccin développé par Pfizer et BioNTech. Cet échantillon lui a été envoyé par courrier par un certain Ricardo Delgado Martin, connu en Espagne pour ses positions anti-vaccins, comme le notent LCI et l’AFP.

Après avoir examiné l’échantillon au microscope, Pablo Campra Madrid indique à la page 22 de son rapport qu’il existe « des preuves solides de la présence probable de dérivés du graphène, bien que la microscopie ne fournisse pas de preuves concluantes ». L’auteur lui-même ajoute qu’il est nécessaire de procéder à l’analyse d’autres flacons dont l'origine, la traçabilité et le contrôle de qualité lors du stockage et du transport ont été vérifiés avant de pouvoir tirer toute conclusion.

Un seul flacon, qui plus est ne répondant pas aux protocoles qui doivent être respectés dans le cadre d’une étude fiable, ne permet en effet pas de conclure quoi que ce soit sur le vaccin de Pfizer. Le liquide contenu dans l’échantillon envoyé n’est pas nécessairement celui du vaccin.

Ce rapport n’est ainsi pas une étude scientifique officielle. Il n’a pas été publié dans une revue scientifique et n’a pas été validé par d’autres chercheurs (via la méthode de référence d’évaluation par les pairs). L’Université d’Almeria a d’ailleurs réagi le 2 juillet 2021 face aux « fausses informations » diffusées par de nombreux internautes, réfutant avoir mené une étude scientifique à ce sujet. L’établissement regrette que ces derniers « déforment le contenu d’un rapport non officiel d'un professeur de l’Université sur l'analyse d'un échantillon d'origine inconnue avec une absence totale de traçabilité ».

Il n'existe donc aucune preuve scientifique fiable soutenant l’idée que le vaccin de Pfizer contiendrait de l’oxyde de graphène. Il en va de même pour les vaccins de Moderna, AstraZeneca et Johnson & Johnson.

Ce n’est pas la première fois que le Stew Peters Show diffuse de fausses informations. L’émission avait déjà fait l’objet d’une vérification de la dpa en juillet 2021, cette fois-ci au sujet du vaccin de Moderna.

(État des lieux au 06/08/2021)

Liens

Publication Facebook (archivé ici et ici)

Au sujet de l’oxyde de graphène (archivé)

Au sujet des nanomatériaux (archivé)

Composants du vaccin de Pfizer (archivé)

Composants du vaccin de Moderna (archivé)

Composants du vaccin d’AstraZeneca (archivé)

Composants du vaccin de Johnson & Johnson (archivé)

Explication de l’AFMPS sur les vaccins (archivé)

Article trompeur (archivé)

Karen Kingston sur LinkedIn (archivé)

Émission du Stew Peters Show (archivé)

L’EMA au sujet des vaccins contre le Covid-19 (archivé)

La FDA au sujet des vaccins contre le Covid-19 (archivé)

Fil de discussion Twitter sur l’oxyde de graphène (archivé)

Fact-check AFP (archivé)

Sur la découverte du graphène (archivé)

Définition du graphite (archivé)

Sur les usages du graphène (archivé)

Recherches sur l’oxyde de graphène et les vaccins I (archivé)

Recherches sur l’oxyde de graphène et les vaccins II (archivé)

Fact-check AP (archivé)

Fact-check Full Fact (archivé)

Dr. Pablo Campra Madrid (archivé)

Rapport espagnol (archivé)

Fact-check LCI (archivé)

Déclaration de l’Université d’Almeria (archivé)

Vérification dpa

Contactez l'équipe de vérification des faits de la dpa : factcheck-belgium@dpa.com