Aucune preuve que la mort de trois présidents ait un rapport avec leur politique vaccinale

15.7.2021, 17:05 (CEST)

Selon un utilisateur Facebook (archivé ici et ici), personne n'aurait encore été vacciné contre le Covid-19 en Corée du Nord, en Érythrée, au Burundi, en Tanzanie et à Haïti. Les présidents de trois de ces cinq pays seraient décédés au cours des six derniers mois, dont le président haïtien qui se serait fait assassiner tout récemment, continue l’internaute. « Quel hasard ! », s’exclame-t-il.

Évaluation

Il est vrai que les cinq pays évoqués par l’utilisateur dans son post en date du 8 juillet 2021 n’avaient pas encore lancé leur campagne de vaccination contre le Covid-19. Il est aussi vrai que trois présidents de ces pays (Haïti, Burundi et Tanzanie) sont morts en exercice. Cependant, en ce qui concerne le Burundi, il ne s’agit pas d’un fait récent puisque celui-ci remonte à juin 2020. De plus, la formulation de l’utilisateur laisse entendre que ces décès pourraient avoir un lien avec la politique vaccinale des pays concernés – une thèse qui n’est soutenue par aucun élément.

Faits

L’internaute partage un extrait d’un article de l’AFP publié le 30 juin 2021, relayé par le site de L’Obs. Celui-ci qui affirme que seulement cinq des 194 États membres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’ont pas encore débuté leur campagne de vaccination contre le Covid-19 : la Corée du Nord, Haïti, le Burundi, l’Érythrée et la Tanzanie. Depuis, l'archipel tanzanien semi-autonome de Zanzibar a finalement démarré la vaccination chez des travailleurs de première ligne, a rapporté l’agence Bloomberg le 13 juillet 2021.

Les présidents d’Haïti et de la Tanzanie ont en effet récemment perdu la vie. La mort du président burundais date quant à elle de juin 2020, et n’a donc pas eu lieu au cours des « six derniers mois ». Kim Jong-un, leader nord-coréen depuis 2011, et Isaias Afwerki, président érythréen depuis l’indépendance du pays en 1993, sont eux bien vivants.

Il n’existe aucune preuve indiquant que les morts récentes des anciens présidents haïtien et tanzanien puissent avoir un lien quelconque avec la politique vaccinale de ces pays. Rien ne montre que la position de ces derniers sur la vaccination a joué un rôle dans leur décès. La mention « quel hasard ! » de l’utilisateur Facebook pourrait laisser supposer le contraire.

Haïti

Le président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné à son domicile le 7 juillet 2021. Les circonstances exactes de cet assassinat restent pour le moment incertaines. Outre la pandémie de Covid-19, le pays est plongé dans une crise institutionnelle depuis plusieurs mois et fait face à une escalade de la violence.

Si Haïti est l’un des rares pays à n’avoir encore vacciné personne, c’est notamment parce que celui-ci avait initialement refusé, en avril 2021, les lots de vaccins AstraZeneca qui lui avaient été attribués via l’initiative COVAX. Le gouvernement haïtien évoquait, à l’époque, les craintes qui entouraient le vaccin du laboratoire suédo-britannique.

« Haïti n'a pas rejeté l'offre de vaccins de COVAX », a clarifié en juin 2021 Lauré Adrien, directeur général du ministère haïtien de la Santé publique, auprès de Bloomberg. « Tout ce que nous avons demandé, c'est qu'ils changent le vaccin qu'ils nous fournissaient », a-t-il ajouté. Quelques semaines plus tôt, il avait aussi évoqué les difficultés de stocker un vaccin nécessitant deux doses par personne en raison d'un manque d'infrastructures.

Face à la hausse des contaminations dans le pays, les autorités haïtiennes ont finalement accepté d’administrer le vaccin d’AstraZeneca à la population. Le quotidien haïtien Le Nouvelliste annonçait en mai 2021 – soit lorsque Jovenel Moïse était encore au pouvoir – que le gouvernement attendait 130 000 doses du vaccin d’AstraZeneca d’ici début juillet. Mais celles-ci n’ont pas encore été livrées. Le 14 juillet 2021, une cargaison de 500.000 doses du vaccin est arrivée à Haïti, offerte par les États-Unis.

Tanzanie

L’ancien président de la Tanzanie, John Magufuli, est décédé le 17 mars 2021. La vice-présidente de l'époque, Samia Suluhu Hassan, lui a succédé. Cette dernière avait annoncé à la télévision tanzanienne que John Magufuli, qui était âgé de 61 ans, était mort des suites de problèmes cardiaques. Des rumeurs avaient auparavant circulé sur son état de santé et sur une possible contamination au Covid-19, mais cela n’a jamais été confirmé.

Dans tous les cas, il n'y a aucune preuve que John Magufuli aurait pu être tué en raison de sa position très sceptique vis-à-vis du Covid-19. Les derniers mois de sa présidence ont en effet été marqués par ses propos controversés au sujet de la pandémie. En juin 2020, il avait assuré que la Tanzanie était « exempte de Covid-19 ». Quelques mois plus tard, il avait déclaré que Dieu avait éliminé le virus de son pays. La Tanzanie n’avait d’ailleurs plus publié de données relatives au Covid-19 sur son territoire depuis avril 2020. John Magufuli avait aussi remis en cause l’efficacité des vaccins.

La nouvelle présidente Samia Suluhu Hassan a elle adopté un ton très différent, par exemple en recommandant le port du masque aux citoyens et en demandant que son pays rejoigne le programme COVAX. À la mi-juin 2021, la Tanzanie a passé sa première commande de vaccins contre le Covid-19. Près d’un mois plus tard, l'archipel tanzanien semi-autonome de Zanzibar a démarré la vaccination chez des travailleurs de première ligne, selon Bloomberg.

Burundi

Pierre Nkurunziza, président burundais, est bien mort en exercice. Mais cela s’est produit le 8 juin 2020, soit avant même que des vaccins contre le Covid-19 soient disponibles. Ce décès n’est donc pas intervenu au cours des six derniers mois, contrairement à ce qu’avance la publication Facebook.

Pierre Nkurunziza est mort à 55 ans d’un arrêt cardiaque après avoir été hospitalisé, d’après des déclarations officielles reprises par les médias à l’époque. Peu avant sa mort, lui aussi semblait avoir décidé de s’en remettre à Dieu pour contrer la pandémie. Mais de nouveau, il n’y a aucune preuve démontrant qu’il n’est pas mort de causes naturelles.

Son successeur, Évariste Ndayishimiye, a également pris une position différente, qualifiant fin juin 2020 le Covid-19 d’ennemi public n°1 du pays. En février 2021, les autorités sanitaires ont toutefois estimé ne pas avoir besoin de vaccins pour le moment.

Liens

Publication Facebook I (archivé)

Publication Facebook II (archivé)

Article L’Obs (archivé)

Situation Corée du Nord 09/07/21 (archivé)

Situation Haïti 10/07/21 (archivé)

Situation Afrique 22/06/21 (archivé)

Article Bloomberg sur Zanzibar 13/06/21 (archivé)

Assassinat président haïtien (archivé)

Décès président tanzanien (archivé)

Décès président burundais (archivé)

Sur Kim Jong-un (archivé)

Sur le président érythréen (archivé)

Enquête assassinat président haïtien (archivé)

Violences Haïti (archivé)

Rejet vaccins AstraZeneca Haïti (archivé)

Au sujet de COVAX (archivé)

Lauré Adrien auprès de Bloomberg (archivé)

Lauré Adrien sur les infrastructures (archivé)

Le Nouvelliste sur les vaccins AstraZeneca (archivé)

Attente vaccins Haïti (archivé)

Livraison vaccins Haïti (archivé)

Scepticisme John Magufuli Covid-19 (archivé)

Nouvelles mesures Covid-19 en Tanzanie (archivé)

Commande vaccins Tanzanie (archivé)

Position Pierre Nkurunzizas sur le Covid-19 (archivé)

Position Évariste Ndayishimiye sur le Covid-19 (archivé)

Position Burundi vaccins (archivé)

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