Fausses affirmations sur les effets indésirables du vaccin contre le SARS-COV-2

02.03.2021, 11:29 (CET)

Dans son interview sur le plateau de la chaine alternative TVL, la généticienne Alexandra Henrion-Caude évoque des effets indésirables du vaccin contre le COVID-19. 2,7 % des personnes vaccinées ne seraient, selon elle, pas en état « de travailler ou d’exercer leur activité quotidienne » après avoir reçu l’injection. L’efficacité des vaccins de Pfizer n’a pas été évaluée dans la population des personnes âgées de plus de 75 ans, explique-t-elle également, ce qui lui permet de qualifier les personnes de cette tranche d’âge de cobayes. Son alerte quant à ce « vaccin génique expérimental » tout comme la mention d’une certaine « reverse transcriptase » qui aurait pour conséquence de transformer l’ARN messager du vaccin en ADN, faisant ainsi du virus, une partie du génome, soulèvent des questions (version archivée).

ÉVALUATION : Beaucoup d’informations évoquées par la généticienne sont fausses, mal interprétées ou exagérées. Pour commencer, les effets indésirables qui empêcheraient 2,7 % de personnes vaccinées de travailler, se résumeraient à une période de deux jours maximum avec des symptômes tels que fatigue, maux de tête et dans peu de cas, de la fièvre. Il s’agit d’effets secondaires bénins. Ensuite, le vaccin a été testé sur quelques personnes âgées, avec de très bons résultats. Pour terminer, l’enzyme évoquée par Alexandra Henrion-Caude a, dans la pratique, très peu de chances de transformer l’ARN du vaccin en ADN.

FAITS : L’interview complète a une durée d’une heure avec de multiples thématiques. Une version plus courte de la vidéo circule également sur les réseaux sociaux (19 minutes). Les points vérifiés par la dpa sont extraits de cette version.

INCAPACITÉ DE TRAVAILLER : Alexandra Henrion-Caude évoque les potentiels « 2,7% de personnes qui se retrouvent parfaitement incapable de travailler », après avoir été vaccinés. La généticienne se réfère aux Centers of Disease Control and Prevention (CDC) comme source de ces informations. Dans la vidéo, un tableau en petites lettres floues est inséré pour illustrer la source. Sur ce document, le titre suivant est lisible : « Vaccines and Related Biological Products Advisory, Committee October 22, 2020 Meeting Presentation ». Les données du tableau serait tirées d’un document de la Food & Drugs Administration (FDA), un lien y figure également : https://www.fda.gov/media/143557/ .

Le document n’existe pas sous cette forme sur le site internet des CDC et FDA. Le pourcentage relatif à l’incapacité de travailler, qu’évoque Alexandra Henrion-Caude, ne survient sur aucune page des Centers of Disease and Prevention. Un document avec un titre similaire, également daté du 22 octobre 2020, est disponible sur les sites des deux institutions. Celui-ci résume cependant le plan de surveillance de l’efficacité du vaccin contre le SARS-COV-2 sans tableau, ni informations précises sur les effets secondaires. Les 2,7 % ne sont pas mentionnés. Le seul résultat trouvé provient du site d'un médecin suédois prénommé Mikael Nordfors, qui aurait été radié de la profession au Danemark, comme l'indique la presse locale.

Thierry Christiaens, professeur et docteur en pharmacologie au Centre Belge d'Information Pharmacothérapeutique (CBIP), confirme les recherches de la dpa sur un point précis : les 2,7 % mentionnés par Alexandra Henrion-Caude n’apparaissent nulle part et il soulève, de plus, la question de l’incapacité à travailler ou exercer une activité quotidienne : de combien de jours s’agit-il ?

« Un grand nombre d'effets généraux (bénins) ont été décrits, dont la quasi-totalité ont disparu après 2 jours, de sorte qu'un certain nombre de personnes ne peuvent pas travailler pendant 1 à 2 jours n'est pas improbable », explique Thierry Christiaens. Alors que la généticienne alerte sur les conséquences qu'une nation avec « des problèmes dans sa capacité de production et de travail » subirait, les deux jours dans lesquels des effets secondaires bénins pourraient survenir, paraissent superficiels.

Selon le professeur, les études démontreraient que 51% des plus de 55 ans et 59% des 16-55 ans ont été atteints de fatigue (versus 17% et 23% respectivement dans le groupe ayant reçu un placebo. Les maux de tête sont le deuxième effet secondaire le plus probable : 39% chez les plus de 55 ans et 52% chez les 16-55 ans (versus 14% et 24% respectivement dans le groupe placebo). Enfin, la fièvre, qui représente une température buccale supérieure à 38°C surviendrait dans 11% des cas chez les plus 55 ans et 16% chez les 16-55 ans (versus 0% et 1% respectivement dans le groupe placebo).

Les sources de la généticiennes ne sont pas fiables. L’incapacité à « exercer une activité quotidienne » dans 2,7 % des cas après un vaccin contre le SARS-COV-2 n’est pas fondée.

LES SÉNIORS CONSIDÉRÉS COMME DES COBAYES : les personnes âgées de plus de 75 ans, reviennent souvent dans les débats relatifs au coronavirus, car ils en sont les premières victimes. Un rapport de l’Assemblé Nationale déclare en effet, comme le mentionne Alexandra Henrion-Caude que « l’efficacité n’a pu être établie pour les plus de 75 ans du fait d’effectifs trop faibles ». Cependant, le rapport conclue également : « Le vaccin Pfizer/BioNTech a montré une efficacité aussi bonne chez les personnes âgées qu’en population générale, alors que cette population répond souvent moins bien aux vaccins et qu’elle est celle qui subit le plus les conséquences de la pandémie en termes de morbidité et de mortalité ».

Jean-Paul Coutelier, professeur à la Faculté de pharmacie et des sciences biomédicales à l’UCLouvain et directeur de recherche au Fonds de la recherche scientifique (FNRS), rejette l’idée d’utiliser les personnes de cette tranche d’âge comme cobaye. Pour ce faire, il s'appuie sur l'étude publiée dans le New England Journal of Medicine qui rapporte l'efficacité du vaccin de Pfizer après essai sur plus de 43.000 participants dont la moitié recevait un placébo. Il explique : l'étude « mentionne un groupe de plus de 75 ans (table 3). Dans ce groupe, l'efficacité du vaccin est de 100%. Cependant ce groupe est de petite taille (774 volontaires vaccinés, 785 contrôles). Comme on sait que l'efficacité des réponses immunitaires diminue avec l'âge, il sera nécessaire d'approfondir le suivi de la vaccination dans ce groupe d'âge ».

VACCIN GÉNIQUE EXPÉRIMENTAL : après avoir étiqueté le vaccin contre le coronavirus de « thérapie génique », Alexandra Henrion-Caude se reprend et utilise le terme « vaccin génique expérimental ». Thierry Christiaens y met un bémol : « La description est correcte, mais le mot « expérimental » est utilisé ici comme si l'on ne savait pas quelles en sont les conséquences et c'est trompeur. Bien entendu, il faut aussi continuer à surveiller sur le long terme s'il y a des effets indésirables inattendus de la vaccination, mais toutes les données disponibles sont pour le moment rassurantes ».

LA « TRANSCRIPTASE INVERSE » - DE L’ARN À L’ADN : plus technique et assez convaincant, la généticienne questionnée se lance dans l’explication du terme anglais « reverse transcriptase », en français la transcriptase inverse. Selon ses mots : « la reverse transcriptase est capable de transformer l’ARN en ADN et donc avoir un risque d’intégration », c’est-à-dire, dans le génome humain. Alexandra Henrion-Caude explique qu’une sorte de rétrovirus appelée « spumavirus » est silencieuse. L’Encyclopédie Universalis le décrit « sans pouvoir pathogène reconnu » et par conséquent difficile à détecter. En tant que rétrovirus, il serait cependant capable de provoquer la transformation de l’ARN à l’ADN via l’enzyme transcriptase inverse.

Un article scientifique largement partagé sur les réseaux sociaux fait état de cette probabilité. Comme l'indique le Dutch Journal of Medicine (NtvG), il est cependant important de notifier que l'article n'a pas été soumis à la critique de ses confrères, comme l'ensemble des études publiées dans des journaux scientifiques. Il n'a donc pas été confirmé que les recherches ont été conduites correctement et que les résultats, sont, par conséquent, valables.

Le professeur Jean-Paul Coutelier explique : « Cette possibilité ne peut être totalement exclue, mais semble plutôt théorique. Il faudrait en effet que le rétrovirus qui exprime la « reverse transcriptase » infecte la cellule au moment où elle est porteuse de l'ARN vaccinal. De plus cela aurait pour effet d'exprimer plus fortement la protéine virale, donc d'accentuer la réponse immunitaire. Pour que cela produise des effets délétères, il faudrait que ce phénomène se produise dans des cellules à longue vie et à fort pouvoir de réplication (comme des cellules souches) et/ou que l'insertion de l'ADN entraîne une désorganisation du génome de la cellule ». Le scientifique au FNRS précise que l’ARN vaccinal, dans la pratique, se retrouverait dans les cellules dendritiques, qui sont spécialisées dans la réponse immunitaire et non dans les cellules souches. Ces cellules dendritiques ont une durée de vie plus courte.

L'Institut allemand Paul-Ehrlich confirme que pour les vaccins et les médicaments biomédicaux, il n'y a jusqu'ici pas de risque avéré que l'ARNm puisse s'intégrer au génome humain, précisant que l'ARNm n'est que temporairement présent dans les cellules d'une personne vaccinée, après quoi il est décomposé par les cellules.

En conclusion, certaines sources d’Alexandra Henrion-Caude sont douteuses, des informations sont tirées de leur contexte et d’autre exagérées pour soutenir sa thèse. Jean-Paul Coutelier est confiant, malgré les risques d’effets secondaires toujours présents : « L'utilisation de vaccins ADN et ARN semble prometteuse, en particulier dans des situations d'urgence comme celle que nous vivons parce qu'elle offre une solution qui devrait permettre (avec toutes les autres mesures de prévention) de contrôler une pandémie dont tous les effets néfastes (y compris des complications à long terme de l'infection, des formes longues de maladie) qui ne sont pas nécessairement encore connus ».

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Liens :

Publication Facebook Belgique : https://www.facebook.com/groups/federationdesresistances/permalink/4104067999625451/ (archive : https://archive.ph/4YVuL)

https://www.facebook.com/groups/434381040014955/permalink/3734821933304166/ (archive: https://archive.vn/w61ko)

Vidéo de la version courte archivée :
https://odysee.com/@JeanJosephRubeck:a/%F0%9F%91%8F%F0%9F%91%8F%F0%9F%98%B1-La-g%C3%A9n%C3%A9ticienne-Alexandra-Henrion-Caude-pr%C3%A9vient-des-dangers-du-Vac-cin:d (archive : http://docs.dpaq.de/17431-363506.mp4)

Vidéo de l'interview complète : https://vimeo.com/500933141

Lien de la vidéo et article sur Le Salon beige : https://www.lesalonbeige.fr/la-geneticienne-alexandra-henrion-caude-censuree-sur-youtube/?fbclid=IwAR0eWSLZETF-V8inUO0d3Eny07YlMhm2WxcnDdGcKhmC-EcIHtB_LIhU98Q (archive : https://archive.vn/u6oqj)

À propose de Thierry Christiaens : http://www.ugentmemorialis.be/catalog/000003684

À propos de Jean-Paul Coutelier : https://www.deduveinstitute.be/fr/immune-microenvironment

Recherche tableau sur le site du CDC : http://dpaq.de/6ZX8O

Présentation sur le site de la FDA : https://www.fda.gov/media/143557/download (archive : http://dpaq.de/LTTFH)

Tableau des effets secondaire présentés sur le plateau : http://www.medicdebate.org/en/node/1376 (archive : https://archive.ph/zyPgU)

À propos de Mikael Nordfors - Interdiction d'exercer au Danemark : https://www.svt.se/nyheter/inrikes/prickas-gang-pa-gang-anda-kan-lakaren-fortsatta-att-arbeta (archive : http://dpaq.de/fPkAC)

Mikael Nordfors dans un groupe négationniste du coronavirus : https://brandnewtube.com/watch/dr-elke-de-klerk-no-real-pandemic_hyOHAJGmiBwSnKg.html (archive site : http://dpaq.de/1FlUD / archive vidéo : http://dpaq.de/diiOI)

Informations sur la World Doctors Alliance : https://www.poynter.org/?ifcn_misinformation=the-world-doctors-alliance-claims-that-covid-19-is-a-type-of-flu-and-is-not-a-pandemic-that-pcr-tests-are-up-to-94-false-positive-that-only-98-covid-19-related-deaths-have-been-reported-in-ireland (archive : https://archive.ph/UvlT4)

Rapport de l'Assemblée Nationale française : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ots/l15b3695_rapport-information.pdf (archive : http://dpaq.de/qoWA1)

OMS - COVID-19 et personnes âgées : https://www.who.int/news-room/feature-stories/detail/who-delivers-advice-and-support-for-older-people-during-covid-19#:~:text=The%20COVID%2D19%20pandemic,potential%20underlying%20health%20conditions (achive : http://dpaq.de/41jRR)

Étude dans New England Journal of Medicine : https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2034577 (archive : http://dpaq.de/x4ZCJ)

Protocole de Pfizer - Évaluation du vaccin contre le SARS-COV-2 :

https://pfe-pfizercom-d8-prod.s3.amazonaws.com/2020-11/C4591001_Clinical_Protocol_Nov2020.pdf (archive : http://dpaq.de/F4XT9)

Encyclopédie Universalis - Définitions :

Spumavirus : https://www.universalis.fr/dictionnaire/spumavirus/

Rétrovirus : https://www.universalis.fr/encyclopedie/retrovirus/#i_96745

Rétrotranscription : https://www.universalis.fr/encyclopedie/retrotranscription-de-l-adn

Article scientifique sur la rétrotranscription de l'ARNm dans le génone humain :
https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2020.12.12.422516v1 (archive : http://dpaq.de/cMnU1)

Institut allemand Paul-Ehrlich :
https://www.pei.de/EN/service/faq/faq-coronavirus-content.html(archive : http://dpaq.de/ZJkaU)

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