Le photomontage ne montre aucune affection cutanée liée au port du masque

14.8.2020, 16:57 (CEST)

Un photomontage, comportant 5 clichés, met l’accent sur des rougeurs et irritations cutanées au visage, au niveau de la bouche. Sur Facebook, les internautes estiment que le port du masque en est le responsable. Ils affirment qu’ « il s'agit très certainement de germes en tous genres (streptocoques, staphylocoques, champignons,...) qui sont emprisonnés sous le masque, dans un environnement humide, propice à leur développement, et qui ne peuvent être expulsés normalement. » Ils s’insurgent : « Le pire, c'est que vous respirez tous ces germes en circuit fermé et du coup, vous pouvez imaginer la même prolifération dans vos poumons ! »

ÉVALUATION : Seule une des 5 photos montre des traces laissées sur la peau par un masque. Il s’agit d’une infirmière. La photo a également été éditée. Les autres photos montrent des affections et irritations de la peau qui ne sont pas causées par le port d'un masque. Sur aucune des photos, il ne s'agit d'un champignon. Quant à l’affirmation que les bactéries qu’on inhale peuvent causer des affections pulmonaires, il n’en est rien. La dpa avait déjà vérifié l’allégation : on ne peut pas devenir malade en inhalant ses propres bactéries.

FAITS :
« Aucune des photos ne montre d’affections cutanées liées à un champignon », déclare la dermatologue et professeure Jo Lambert, consultant à l'UZ Gent. La photo en haut à droite a été prise de la page Wikipédia (version anglaise) consacrée à l'affection cutanée, eczema herpeticum, et a été mise en ligne en avril 2018. « Il s’agit clairement d’un cas classique d’eczéma herpétique, aussi appelé syndrome de Kaposi-Juliusberg. C’est une irritation externe, un virus, qui n’a rien à voir avec les masques. Quand il est traité par de la cortisone, il "explose" », explique le Professeur Dominique Tennstedt, professeur émérite de l’UCLouvain et dermatologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

La deuxième photo de la rangée de droite, sur fond vert, est issue du compte Instagram de Valeria Zedde, infirmière dans une unité de soins intensifs à Milan. Elle avait partagé ce selfie montrant les traces laissées par le masque sur son visage le 13 mars 2020, au moment le plus fort de la première vague du coronavirus en Italie. La photo a été truquée par la suite : les marques sur son visage ont été amplifiées et assombries. L'équipe de vérification des faits de la dpa avait déjà repéré l’exagération des marques, liée à l’utilisation d’un logiciel de retouche de photos.

La photo en bas à droite montre une femme atteinte de rosacée, une maladie de peau qui touche les petits vaisseaux sanguins. La photo provient d’une banque d’images. « C’est un cas classique de rosacée », constate le professeur Tennstedt. La Revue Médicale suisse décrit l’affection : « La rosacée est une maladie multifactorielle, qui serait basée sur une prédisposition génétique ». Son traitement est compliqué. « De façon générale, la rosacée reste difficile à traiter car sa physiopathologie n'est pas encore entièrement élucidée », lit-on dans la Revue Medicale de Liège.

La photo en bas à gauche est apparue dans une banque de photos en mai 2016. En légende, on découvre qu’il s'agit d'un enfant atteint de la varicelle. Cependant, les dermatologues ne sont pas d'accord. Le professeur Tennstedt juge : « La qualité de la photo est mauvaise, mais on dirait un cas d'acné. » Lors de la vérification des faits pour les Pays-Bas, le Docteur Bing Tio, dermatologue à l’Erasmus UMC à Rotterdam partageait le même point de vue : « Ces marques ressemblent plus à de l’acné pour moi. »

L'origine de la photo en haut à gauche n'est pas déterminée. « C'est de l'eczéma de contact », indique la professeure Jo Lambert. « Il s’agit d’une irritation à un produit », ajoute le professeur Tennstedt. « On retrouve ça quand des personnes imbibent un mouchoir d’huiles essentielles puis inhalent l’odeur en plaquant le mouchoir sur la bouche. Cela pourrait aussi être une irritation face à un produit appliqué sur la peau comme un baume à lèvre ou de la crème solaire… »

Pour conclure, seulement un cliché montre des traces laissées sur la peau par un masque. Mais elles ne sont pas associées à une allergie ou un champignon. Cependant, certaines irritations cutanées sont possibles en portant un masque buccal. « Il y a plusieurs types d’ennuis cutanés à cause du port du masque », constate Domiique Tennstedt. « Mais cela ne doit certainement pas dissuader de porter le masque ! D’abord, il y a la réapparition d’anciennes dermatoses qui étaient plus ou moins discrètes comme l’acné ou la rosacée. »

Il ajoute : « On constate aussi parfois des irritations de la peau liées à la salive, comme les enfants qui ont une tétine. C’est surtout vrai pour ceux qui portent des masques en papier. Ensuite, il y a des irritations, notamment des irritations liées aux fibres des masques chirurgicaux. Enfin, il y a des allergies à différentes parties des masques : au colorant (surtout vrai pour les masques en tissu synthétique foncé, noir ou bleu), aux barrettes métalliques (certaines sont en nickel), aux élastiques au niveau des oreilles qui contiennent du caoutchouc… »

Quant à l’affirmation que les bactéries qu’on inhale peuvent causer des affections pulmonaires, il n’en est rien : la dpa avait déjà fact-checké l’allégation. On ne peut pas devenir malade en inhalant ses propres bactéries.
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Liens :

Publication Facebook : https://www.facebook.com/yves.bran/posts/4481102041930507 (archivée : http://dpaq.de/COltj)
Fact-check de la dpa, aux Pays-Bas : https://dpa-factchecking.com/netherlands/200812-99-142148/

Fact-check de la dpa, en Allemagne : https://dpa-factchecking.com/germany/200810-99-113437/

À propos du professeur et dermatologue Dominique Tennstedt (Cliniques universitaires Saint-Luc) : https://www.saintluc.be/consultation/fiche.php?id=378 (archivé : http://archive.is/tBDkY )

À propos de la dermatologue et professeure Jo Lambert (UZ Gent): https://www.uzgent.be/nl/zorgaanbod/artsen/Paginas/prof-dr-jo-lambert.aspx (archivé : http://dpaq.de/M7IQw )

Page Wikipedia (en anglais) sur l’eczema herpiticum (d’où provient une photo) : https://en.wikipedia.org/wiki/Eczema_herpeticum (archivé : http://dpaq.de/iJAfB)

Photo dans “Wikimedia Commons” avec la date de l’intégration: https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Eczema_herpitcum.jpg (archivé : http://dpaq.de/CkvKG)

Post Instagram de Valeria Zedde sur les traces laissées par le port du masque (13 mars 2020) : https://www.instagram.com/p/B9qsjL9o8w_/ (archivé : http://dpaq.de/5Y3EQ)

Factcheck de la dpa, en Allemagne, sur la photo truquée (2 april 2020) : https://www.presseportal.de/pm/133833/4563316 (archivé : http://dpaq.de/oSCyk)

Photo de la dame atteinte de rosacée dans la banque d’images ‘Shutterstock’ : https://www.shutterstock.com/de/image-photo/portrait-happy-smiling-senior-woman-rosacea-498876976 (archivée : http://dpaq.de/Q4cEG)

Revue médicale Suisse sur la rosacée: https://www.revmed.ch/RMS/2016/RMS-N-512/Rosacee-ou-en-sommes-nous#:~:text=groupe%20de%20patients.-,Physiopathologie,physiopathologie%20exacte%20reste%20peu%20claire (archivée : http://dpaq.de/Ghno6)

Revue Médicale de Liège sur la rosacée : https://orbi.uliege.be/handle/2268/179788 (archivé : http://dpaq.de/4sim8)

Photo de l’enfant attaint de varielle dans ‘iStockPhoto’: https://www.istockphoto.com/nl/foto/chickenpox-varicella-gm532264684-94184453 (archivé : http://dpaq.de/nzNY1)

Factcheck sur l'inhalation de ses propres bactéries : https://dpa-factchecking.com/belgium/200714-99-789473/

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