L'IVG n'est pas autorisée jusqu'à neuf mois en Belgique, en France non plus
12.8.2020, 09:10 (CEST)
Une publication Facebook prétend que « l'avortement » serait possible jusqu'à neuf mois de grossesse. Il est ici sous-entendu que les législateurs utilisent les préoccupations à l'égard du Covid-19 comme méthode de distraction afin de faire passer des lois à l'insu de l'opinion publique : « Tout le monde parle de Covid alors qu'une loi vient d'être adoptée!!! L'avortement sera possible jusqu'à neuf mois... Tout cela dans un calme déconcertant... »
ÉVALUATION : L'allégation est très imprécise. Le terme « avortement » tait une différence majeure : celle entre interruption volontaire de grossesse (IVG) et interruption médicale de grossesse (IMG). En Belgique, une proposition de loi d'assouplissement des conditions d'accès à l'IVG est actuellement en discussion. Il est cependant faux d'affirmer que la législation tolère l'IVG jusqu'à 9 mois de grossesse. Le débat en cours traite en effet de l’allongement du délai de principe prévu pour l’interruption volontaire de grossesse, mais seulement de douze à dix-huit semaines. En France, le projet de loi relatif à la bioéthique ne prévoit rien du coté de l'IVG mais précise les conditions d'accès l'IMG, qui elle, ne dispose pas de délais limités.
FAITS :
De prime abord, il est important de différencier l'interruption volontaire de grossesse (IVG) de l'interruption médicale de grossesse (IMG). Dans les deux pays, une femme enceinte dispose d'un droit d'interruption de sa grossesse jusqu'à la fin de sa douzième semaine (IVG), sans avoir à justifier sa décision. Selon le site francais ivg.gouv.fr, l’IMG est actuellement définit comme « l’interruption d’une grossesse réalisée, sans restriction de délai, pour un motif médical : soit parce que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la mère, soit pour anomalie grave du fœtus. »
En Belgique, les délais de principe pour une IVG sont prévus par la loi de 2018 relative à l'interruption volontaire de grossesse. Le délai minimal s'élève à « six jours après la première consultation prévue, sauf s'il existe une raison médicale urgente pour la femme d'avancer l'interruption de grossesse. »
En ce qui concerne le délai maximal : « au-delà du délai de douze semaines, prolongé le cas échéant conformément au 3°, la grossesse peut (...) être interrompue volontairement seulement si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou lorsqu'il est certain que l'enfant à naître sera atteint d'une affection d'une particulière gravité et reconnue comme incurable au moment du diagnostic ». La loi actuelle belge interdit donc l'avortement au-delà de douze semaines, sauf situation exceptionnelle mettant en danger la future mère, ou, dans le cas où l'enfant serait atteint de la maladie ou affection incurable.
Depuis quelques mois, les législateurs discutent d'une proposition de loi visant à assouplir les conditions pour recourir à l'IVG. Dans un avis sur la proposition d'assouplissement, le Conseil d'État a résumé quelques aspects de celle-ci. La réduction du délai de réflexion de six jours à 48 heures en fait partie. En outre, il serait éventuellement question d'étendre le délai maximal autorisé, dit « de principe », de douze à quatorze semaines. Il n'est nullement question de neuf mois.
En France, le projet de loi lié à la bioéthique fait débat. Cette loi pourrait ouvrir l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules alors que jusqu’à présent, seuls les couples hétérosexuels étaient autorisés à recourir à la PMA pour concevoir un enfant. Un nouvel amendement souhaite instaurer la notion de « détresse psychosociale » dans la loi afin d'élargir, par exemple, l'accès à l'IMG aux femmes victimes de viol et aux mineurs victimes d'inceste. Cette terminologie est critiquée, car il serait difficile d'en définir l'étendue.
Comme le rappelle le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) dans une interview sur le site du Sénat français, le cadre juridique prenant en compte l'aspect psychosocial n'est pas une nouveauté dans le projet actuel de loi relatif à la bioéthique, il était déjà présent dans une loi de 2001.
La publication Facebook est, par conséquent, très imprécise de par les termes employés et par l'absence de délimitations géographiques. Aussi bien en Belgique qu'en France, une interruption médicale de grossesse sans restriction de délais ne peut être pratiquée qu'après une évaluation méticuleuse des cas. Il n'est cependant pas question de « l'avortement », de manière générale, comme l'auteur semble l'indiquer.
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Liens :
Publication Facebook : https://www.facebook.com/guiterenzio/posts/1277650135765689 (archivé : http://dpaq.de/vdifU)
L'IVG en France : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_interruption_volontaire_de_grossesse.pdf (archivé : http://archive.ph/HibeZ)
Différenciation IVG / IMG: https://ivg.gouv.fr/quelle-est-la-difference-entre-interruption-volontaire-de-grossesse-et-interruption-medicale-de-grossesse.html (archivé : http://archive.ph/UQMn0)
Loi belge sur l'IVG : http://www.ejustice.just.fgov.be/cgi_loi/change_lg.pl?language=fr&la=F&cn=2018101503&table_name=loi (archivé : http://dpaq.de/iPnYC)
Avis du Conseil d'Etat sur la proposition d'assouplissement de la loi belge sur l'IVG : http://www.raadvst-consetat.be/?page=news&lang=fr&newsitem=579 (archivé : http://dpaq.de/J5AFn)
Projet de loi relative à la bioéthique en France : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2019-2020-extra/cahiers/c20201030.asp (archivé : http://dpaq.de/qeQeM)
La polémique autour du terme "psychologie sociale" : https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/avortement-pour-detresse-psychosociale-les-associations-pro-vie-alimentent-la (archive : http://dpaq.de/xlxuk)
Loi de 2001 relative à l'IVG : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000222631&categorieLien=id (archive : http://dpaq.de/L3xeE)
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