Un passage à tabac qui laisse peu de traces

29.07.2020, 15:20 (CEST)

Un message diffusé le 26 juillet 2020 sur Twitter, avant de l’être sur Facebook, relate les mésaventures d’un homme qui aurait été passé à tabac pendant cinq heures par des policiers, sur le territoire de la commune bruxelloise d’Anderlecht. La photo du visage d’un homme blessé illustre le texte.

ÉVALUATION :

Incohérence temporelle, retrait du message sur Twitter, incrédulité de la police, absence de plainte au parquet, doutes de médecins : tout indique que cette histoire est inventée de toutes pièces.

FAITS:

L’auteur du message, posté le 26 juillet à 5h37 sur Twitter et à 23h05 sur Facebook, parle de son « frère » qui rentrait « tranquillement chez lui hier soir vers 1h30 » lorsque cinq policiers l’ont embarqué dans une camionnette où il a été « tabassé pendant 5 heures avant de perdre connaissance ». Ses bourreaux l’auraient ensuite abandonné à proximité d’un parc, toujours sans connaissance.

Une incohérence temporelle peut être relevée dans le récit : comment l’auteur du message sur Twitter pourrait-il donner autant de détails sur l’affaire à 5h37 du matin alors que les faits se seraient déroulés entre 1h30 et 6h30 ? Et s’ils s’étaient produits un jour plus tôt (non pas dans la nuit du 25 au 26 juillet, mais la nuit précédente), l’auteur ne pourrait pas prétendre à 23h05 sur Facebook que c’est « hier soir » que tout s’est passé.

Autre fait troublant: le message diffusé sur Twitter a rapidement été effacé ; on ne le trouve plus qu’en cache. Et un autre message diffusé le 29 juillet sur Facebook appelle les internautes à « arrêter le partage » de la nouvelle ainsi qu’à « supprimer les publications », sous prétexte que le « frère » veut « rester anonyme » et que « les partages et photos ont été dévoilées sans son accord » (sic).

Ce dernier message indique toutefois « qu’on veut faire justice » et, partant, que l’incident n’est pas clos.

Pourtant, aucune plainte n’avait été déposée auprès des autorités judiciaires, en date du 29 juillet.

« Nous n’avons pas connaissance de la situation exposée dans cette publication », déclare à la dpa Sandra Eyschen, une responsable du service de presse de la Police fédérale. « Nous avons bien eu vent de ce message posté sur Facebook. En interne, rien de pertinent n’est ressorti à ce sujet », ajoute Adeline Roty, responsable de la communication de la zone de police (locale) Midi, qui couvre Anderlecht. "Aucune plainte n'a été déposée chez nous à ce sujet." Enfin, « nous n’avons pas connaissance d’un dossier concernant ces faits au Parquet de Bruxelles », souligne Magali Jeumont, attachée à la direction de la communication du Ministère public.

Plusieurs médecins contactés par la dpa émettent par ailleurs des doutes sur la véracité de l’histoire, après l’avoir lue et scruté la photo du visage de l’homme blessé qui l’illustre. « Il est difficile de tirer des conclusions sur base d’une seule photo, qui ne montre par ailleurs qu’un visage. Mais en tout cas, il est peu plausible que la plaie que l’homme présente au visage soit la conséquence de cinq heures de tabassage ciblé sur cette partie du corps uniquement », commente l’un d’entre eux. La plaie n’est en effet pas profonde. «Or, si le tabassage a eu lieu pendant cinq heures sur d’autres parties du corps, pourquoi ne pas exposer ces lésions ? »

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Liens :

Message Facebook: https://www.facebook.com/charlottebouhjar/posts/10224119230351524 (archivé : http://dpaq.de/XpsiG)

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Appel à la suppression: https://www.facebook.com/photo.php?fbid=107185641089429&set=p.107185641089429&type=3 (archivé : http://dpaq.de/uC3qr)

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